Doolittle
8
Doolittle

Album de Pixies (1989)

Un de mes albums favoris, si ce n'est mon album favori. Le genre d'album dont la volonté de conseiller quelques chansons m'amène à les lister une à une... Doolittle est une œuvre aboutie, emportée, jouissive et surtout – plus qu'énergique – violente, qui happe par des mots et des sons à la puissance évocatrice folle.


Tout commence avec Debaser, dynamique et réjouissante, dont la référence au surréalisme (« I am un chien andalusia ») annonce bien l'écriture imagée et suggestive de Frank Black. Légèreté et entrain se retrouvent dans deux titres (Here comes your man et La la love you, formidable pastiche de chanson d'amour pop) mais c'est un univers bien plus sombre et inquiétant qui domine le reste de l'album. Un univers habilement construit, jamais caricature de lui-même : les Pixies, inventifs et subtils, savent mêler les registres et jouer de multiples variations. En témoigne I bleed, qui mêle à une imagerie vague – mais grave et angoissante – un ton joueur, presque désinvolte. Hey déploie une nonchalance similaire. Par moments, le son semble caverneux, tout droit sorti d'un autre monde. Il se fait agressif puis plus mélodieux. On a tantôt affaire à des hurlements, tantôt à des murmures. Dans Tame (deuxième chanson : on comprend vite que l'on va être étonné...), ce sont carrément vociférations, marmonnements éraillés et halètements qui se succèdent. Je pense aussi à No. 13 baby où la fougue est suivie d'un long passage instrumental, aux notes plus tranquilles mais obsédantes, tendues, qui s'évanouissent doucement.


Wave of mutilation et Monkey gone to heaven (impossible de ne pas les mentionner), rythmées et énigmatiques, emportent avec facilité dans des fragments d'histoires surnaturelles (« I've kissed mermaids, rode the el nino / Walked the sand with the crustaceans », « There was a guy / An under water guy who controlled the sea »). Dans Hey, la répétition lancinante, soutenue par l'écho de Kim Deal (« We're chained... We're chained... We're chained... ») sonne comme une mélodie ensorcelante. Ce côté mystique et entêtant, caractéristique du groupe (je pense à Caribou, de l'album Come on pilgrim, et son ambiance chamanique) est à son apogée avec l'ésotérique et incantatoire Silver. Et finalement, arrive Gouge away, hantée, troublante, intense et brutale – termes qui pourraient aussi bien définir l'album – tout autant par son rythme emporté que par ses paroles d'inspiration biblique pour le moins glauques (« Sleeping on your belly, you break my arms, you spoon my eyes / Been rubbing a bad charm, with holy fingers »).


On en ressort complètement sonné. A la fois vivifié et épuisé par une telle intensité. Il y a des albums dont l'écoute fait tendre vers la joie, l'apathie, la mélancolie ou je ne sais quelle émotion – avec les Pixies, on ne sait pas vraiment ce que l'on ressent, juste qu'on le ressent très fort.

Jehol
10
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le 25 sept. 2015

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