Pink Moon
7.9
Pink Moon

Album de Nick Drake (1972)

Les notes de tête et les notes de cœur

Il est de ces albums qui s'imposent d'eux-mêmes. On ne peut leur résister. Le plus anodin des détails, attrapé à la volée dans notre routine suffit à créer le besoin de les retrouver. On envisage d'abord leur retour, passivement, d'imperceptibles notes à peine suggérées. Et puis ces mêmes notes trottent dans la tête, disparaissent et reviennent, réduisent les délais, amplifient crescendo leurs appels, squattent l'espace et prennent définitivement leurs aises. Sans avoir l'air d'y toucher, elle finissent de pénétrer la zone vierge pour complètement recouvrir notre vision de l'instant présent.


J'entretiens cette relation avec Pink Moon. Un vieux pote que je ressors à l'occasion. Enfin c'est plutôt lui qui s'extirpe de sa léthargie. Dès qu'il sent l'humeur vaciller dans une direction, il flaire le coup et remonte à la tête. Tu es comme envahi, imprégné d'un filtre qui fait résonner ton existence selon ses mélodies. Incrédule, je me laisse à chaque fois emporter par son parfum folk. Une tiédeur douce et diminuée comme cette brise caressante qui viendrait mourir à tes cotés.


L'album ne s'écoute que d'une traite, sans temps mort. Je ne sais même pas combien de morceaux il contient tant son unité est indissociable. On doit le prendre tel qu'il est et sans l'interrompre. On ne s'imagine pas laisser dans le vide la complainte d'un type qui menace de s'éteindre pour chaque accord délivré. Ce type d'ailleurs, Nick Drake. Je ne connais rien de lui non plus. Tout juste une grande bringue gênée d'être là, s'excusant presque de venir envoûter notre univers.
C'est pourquoi je n'ai jamais fait l'effort de traduire les paroles, j'aurais presque peur d'y découvrir ce qu'elles contiennent. Et cette pochette, impénétrable et surréaliste. Empruntant autant à Magritte qu'à Dali cette force évocatrice qui retient le regard et le perd à travers elle.


Peu importe ses vérités ou ce qu'il a à me dire, Pink Moon demeure une élégie qui me dépasse et cela me va très bien. J'ai toujours préféré y apposer ma propre palette de couleurs. Je ne guette jamais son retour mais je sais qu'il est là, jamais bien loin. Une ritournelle lente et impatiente, pour toujours.
C'est peut-être bien cela qu'on appelle la mélancolie.

Liverbird
8
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le 29 août 2016

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Liverbird

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