Stratosfear
7.5
Stratosfear

Album de Tangerine Dream (1976)

Rêves d'une clémentine en apesanteur

En allant voir la fiche de cet album la première fois que je l'ai écouté, je me suis étonné de n'y pas voir de critique tant sa beauté, ses qualités sont évidentes. Maintenant que je me lance, je comprends mieux : c'est une tâche bien ardue que d'écrire sur un album aussi aérien, justement parce qu'il est évident.


On a donc un album d'une quarantaine de minutes, deux sur chaque face du vinyle, ce qui laisse augurer d'un album ambitieux, et on est pas déçu. Tangerine Dream est un des premiers groupes à faire le pont entre le rock progressif et la naissante électro. Et le meilleur, c'est que ça n'a pas vieilli, alors que ça date quand-même de 1976.


Le chef d'œuvre le plus évident, c'est bien sûr le morceau du même nom, Stratosfear, qui ouvre l'album avec ses 10 minutes. Un thème au synthé légèrement orientalisant, sur un rythme lancinant, décliné de différentes façons, et des impros, et on finit sur un magnifique solo de guitare... Même un village gaulois d'Armorique ne pourrait pas résister tellement les mélodies sont imparables, nous emmenant toujours plus haut dans la stratosphère.


Toutefois les trois autres morceaux de l'album, peut-être moins enchanteurs de prime abord, se révèlent eux aussi très intelligents et magnifiquement composés. Notamment, le premier de la face 2, 3 A.M. retranscrit tellement son ambiance qu'il apporterait l'aube au pôle Nord en hiver. Quatre morceaux donc terriblement évocateurs, quatre morceaux aussi qui font rêver, et finalement, la seule peur qu'on a, c'est que l'album se termine et qu'on redescende sur Terre. Ce qui arrive, irrémédiablement, mais en douceur avec Invisible Limits.


Une fois l’atterrissage mené à bien, il est temps de faire le point sur le voyage écoulé. Un premier constat s'impose : sans que ça ait été perturbant, il n'y a pas de chant dans cet album. Un deuxième : très peu d'instruments organiques, en fait, ont été utilisés. Une guitare électrique, un harmonica, certes, et deux trois autres, qui produisent leur petit effet, mais toutes ces mélodies divines sont principalement obtenues sur synthétiseurs (notamment le célèbre Mellotron, mais pas seulement).


Si les instruments sont principalement électroniques, la structure des chansons, elles, reste encore assez proche du rock progressif, et l'album se situe d'ailleurs dans une évolution logique de celui-ci, qui tendait à faire de longues chansons, de plus en plus instrumentales et recourant de plus en plus au synthétiseur.


C'est peut-être pour ça que j'ai beaucoup apprécié cet album alors que l'électro m'en touche souvent une sans bouger l'autre : on a ici une façon de concevoir la musique électronique complètement différente de ce dont j'ai l'habitude : le son n'est pas saturé de bruitages, de samples et d'arrangements, mais au contraire épuré, laissant sa place au silence quand il le faut. Toutefois c'est un album qui ne sombre pas dans l'excès inverse qui serait la chiantise, et se laisse très bien apprécier sans drogue aucune. Aussi si les spécialistes d'électro du site voulaient bien me conseiller des bons albums électro dans la même veine (on m'a déjà parlé de Fuck Buttons qui s'en rapproche il est vrai), je leur en saurai gré.


Et si vous n'avez pas écouté cet album, que vous aimiez le prog ou l'électro, foncez, c'est un chef d'œuvre !

Créée

le 14 juin 2013

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Nordkapp

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