"Ton T-Shirt "Anarchie", eh ben tu l'as payé 300 balles !"

Je pourrais me répandre en confuses, essayer d'expliquer pourquoi je préfère cet album à son successeur, mais ce serait comme essayer de démontrer la supériorité de Ride The Lightning sur Master of Puppets. Comme valoriser le brouillon et l'exutoire au poli et au chiadé. Parce que oui, j'aime les torchons, les brûlots, les trucs qui donnent envie de montrer les crocs. Comme un majeur levé à toute cette merde radiophonique, qui malgré nous finit par nous happer avec les années, à mesure qu'on lâche prise, qu'on s'abandonne à la banalité, au commun, mais aussi qu'on se laisse aller à écouter plus loin, à écouter mieux, à écouter différemment. Jusqu'à Justin Timberlake, j'ai encore des terakilomètres, mais c'est une autre histoire.

Time Will Fuse Its Worth est une histoire d'amour. C'est la rencontre d'un objet musical qui syncrétise les joies de la puissance metallique au côté chien fou du punk. Un truc qui dès l'intro te fait entendre les tambours du bronx. Ecouter comme pour se faire mal, mais pourtant tout autant se faire du bien. Un mal pour un bien, comme dirait l'autre. Parce qu'en plus Kylesa c'est pas juste des beugleries, c'est du psyché à la pelle, c'est du feeling un tantinet prog et surtout un GROS sens de la compo qui fait mouche. Et puis avec ça, avec son ego de mâle frustré, on caresse l'idée que les filles sont finalement pas toutes des poufs bonnes à jérémier sur des tubes de merde qui tournent en boucle dans les boîtes à touche-minous. De la force féminine, mangez-en, du girl power, en voilà. Les femen sont passées trop tard. Avant, oui, y'avait Nausea, et puis tous ces groupes de la scène Crust qui prenaient des donzelles dreadées pour exprimer leur joie de vivre. En roche, en fusion, en force vive.

TWFIW c'est un refuge à la frustration, une certaine ôde à la liberté qui défoule autant qu'elle apaise (Between Silence And Sound), une montagne de guitares (Hollow Severer) plus haute que tous tes sommets les plus hauts appris en cours de géo ou en rattrapage sur Wikipédia. Kylesa, c'était un groupe qui donnait autant des frissons qu'il appelle l'apocalypse au pas de sa porte (ce milieu d'Hollow Severer, mamma mia...).

C'est l'album de la réconciliation. Celui qui montre l'existence sous tous ses aspects. Calme, tempête, joie, déception, force, évanouissement. Celui qui fait ressentir la puissance du Jedi et du Sith aux 4 sabres de Star Wars 3 (ce riff "taratarataratara" de Where The Horizon Unfolds).
C'est suffisamment rapeux pour être agressif, assez lourd pour imaginer taper du poing dans les airs, assez véloce pour faire mouliner du bras droit, pas trop plombé pour être trop pépère, c'est aliéné. Parce qu'on l'aime comme un fou, comme un soldat, comme une étoile de sitcom. C'est une expérience solitaire, comme bien d'autres, mais c'est une confrontation avec soi-même, ses erreurs, ses faiblesses, ses regrets, ça accompagne les moments de la vie où la mélancolie l'emporte, et qu'il faut parfois lui laisser la place à une rage canalisée, intérieure, pour les estomper l'une comme l'autre. C'est plus qu'un divertissement, c'est donc une bande-son, un parcours de vie qui fait autant de chemin avec soi qu'un compagnon de route. Un ami proche, qu'on prend souvent plaisir à écouter pour se remémorer les vieux moments... et grandir, à mesure que notre perception de sa personnalité évolue.

Une épreuve aux obstacles reconnus, mais jamais contondants. Des haies d'honneur, qu'on saute avec plaisir, pour mieux replonger (Identity Defined). A l'époque, on avait même trois conseillers pour nous ôter les plaies de la tête, ce qui n'est pas négligeable quand on sait que la plupart des groupes préfèrent la monogamie. Putain de société occidentale... À trop vouloir la sécurité on en oublie le plaisir. Kylesa est pour le polythéisme, la recherche du bonheur à la porte du voisin, sans suitcase et costard-cravate de pingouin-manchot aux poches pleines. Un prophète dans une bergerie, aux dents longues, qui prêche une parole, bonne ou mauvaise, cohérente, de long en large, et qui enfonce le clou avec un plan d'avenir défini en avant-dernier acte (The Warning). Je n'entends pas ses paroles, je ne veux pas les entendre, seul le son des variations de trémolos m'intéressent. Repu, je m'en vais, je joins les mains, devant ou derrière, on sait pas trop bien. Pour entrer en confession ou pour quitter le parloir, on se le demande. Mais jusqu'à la prochaine visite, un esprit sommeille, c'est bien là le plus important.

PS : C'est trop long, et j'm'en fous, j'suis trop un connard de rebelle.
Adrast
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le 9 avr. 2013

Modifiée

le 9 avr. 2013

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