S’il n’y a qu’une chose à retenir, une raison majeure d’aborder ce premier tome des Aventures Extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, c’est la visite incessante du Museum d’Histoire Naturelle à laquelle Tardi nous invite tout au long du volume. L'héroïne et de nombreux personnages y reviennent constamment (et il faut avouer que le dessin de l’artiste est superbe malgré une palette de couleurs restreinte), et se promènent dans Paris, en passant par la Gare de Lyon jusqu’au Jardin des Plantes, et plus particulièrement donc, dans le musée, avec le plaisir pour le lecteur de s’y retrouver.
En ce sens, Tardi est



un véritable artiste documentaire :



l'ensemble des lieux, les décors, sont ancrés dans le réel tout en laissant le trait de l'artiste s'exprimer. La seconde caractéristique du dessin de Tardi, très appréciable, est son goût pour les gueules. Ses personnages ne sont jamais lisses, mais les visages sont cassés, bouffis, allongés, déformés, les traits grotesques et exagérés. Tous coupés au couteau, taillés au millimètre dans les lignes simples et légères d’un dessin jamais léché.



Du grand art.



Pour ce qui est du scénario, une longue introduction met en place une première intrigue, avant de laisser apparaître l’héroïne sous un nom d’emprunt… De l’attente pour du mystère. L’ensemble est un peu confus : deux intrigues s’imbriquent, plutôt intelligemment mais trop mollement. Il n’y a jamais rien de palpitant malgré plusieurs aspects appréciables, comme le fantastique sobrement joué de l’histoire avec cette improbable expérience télépathique d’un vieux professeur, occulte paléontologue à Lyon, qui tente de maîtriser un ptérodactyle échappé du Museum, terrifiant les rues de Paris jusqu'à la mort simultanée des deux êtres. Ce jeu de confusion continue encore lors de cette même séquence, où



l’ensemble impressionnant des acteurs des différentes intrigues



se retrouve au Jardin des Plantes au même moment, sans qu’aucun, sinon le lecteur et peut-être Adèle, n’y comprenne quelque chose. De la même manière, le twist final agrémenté d’une valse de trahisons en tous sens est intéressant : Tardi s’amuse avec un récit jamais figé.


Plus pour le dessin du maître Tardi que pour l’ingéniosité un peu alambiquée de l’histoire, la rencontre avec Adèle Blanc-Sec fonctionne pourtant par ce choix de ne pas placer d’emblée son héroïne en position valorisante. Et de laisser encore planer le doute sur la moralité de son dessein à la fin de ce premier tome. Avec ce personnage de romancière un peu secrète, visiblement pas totalement franche,



la rencontre est surprenante, inattendue,



et le mystère joue en faveur d’Adèle.

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le 7 janv. 2015

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