Garfield, c'est l'art moderne à portée de ton enfant de 5 ans. C'est l'œuvre qui fera entrer le musée chez toi alors que tu n'y va plus depuis que tes parents ont arrêté de t'y traîner quand tu avais 15 ans. C'est le truc qui te cultive alors que toi tu ne voulais qu'une chose, te reposer la tête. C'est la BD que si tu lis sa critique jusqu'au bout tu sauras ce que ça veut dire quand les gens qui écoutent France Culture te disent que « Pif et Hercule c'est crypto-communiste ».

Parce que Garfield c'est pas ce que tu crois. Ça na parle pas que des aventures d'un chat atteint d'obésité morbide qui fuit dans la nourriture la présence de son maître dont l'inadaptation sociale frôle l'autisme et de son chien dont la naïveté béate cache mal un vide affectif qu'on devine insondable. Et oui ton libraire t'a menti (ou le mec de la FNAC t'a mal informé mais ça c'est parce que maintenant ils recrutent plus des vendeurs que des libraires dans ce lieu de perdition), on ne peut plus faire confiance à personne maintenant ma petite-dame.

Parce que Garfield, c'est pas de la BD, c'est du Pop-art.

Mais si, mais si, je te jure ! Jim Davis, il n'en a pas l'air comme ça mais il te parle de choses importantes. En répétant toujours les mêmes gags, dans les mêmes décors, avec toujours les mêmes personnages, ayant toujours la même expression, il veut te faire comprendre que même dans le domaine de la Culture, on est passé à un mode de production industriel. Et puis le minimalisme dans ces objets sans détails, ces arrières plan uniformes, ces aplats de couleurs coloriés en une demi seconde sous photoshop, c'est pareil. L'auteur il veut que tu te rendes compte à quel on te sert des produits normés, qui varient toujours sans jamais se renouveler. Seize ans après le cultissime Diptyque de Marilyn par Andy Warhol, Davis rend hommage à cette œuvre en produisant à son tour en grand nombre le même travail dont la qualité va en déclinant.

Et puis le Pop-art c'est aussi une critique cynique de la société de consommation : « Adressons-nous aux masses, y'a pas de raison qu'il n'y ait que les élites qui accèdent à la culture. Et puis au passage, le bas-peuple il n'a pas beaucoup d'argent mais si chacun dépense un peu on va se faire des millions ». Et Garfield incarne parfaitement cette idée là. Un chat c'est mignon, un chat c'est rigolo et surtout c'est beaucoup plus vendeur que les insectes bizarres que Davis dessinait avant qu'on lui conseille de trouver autre chose de moins dégoûtant. Et puis comme on produit pour tout le monde, hop, on va faire plaisir à tout le monde en faisant des produits dérivés à plus savoir qu'en foutre. Si tu veux, par opposition, Calvin et Hobbes c'est pas du tout du Pop-art parce que son créateur Bill Watterson il a toujours de refusé d'apporter l'art à tout le monde, ce méchant élitiste. Du coup il a jamais voulu qu'on mette la tête de Calvin ou de son tigre sur autre chose que ses BD. Bhouuu, le sale artiste bourgeois rétrograde !

Mais, heu, bon, pour en revenir à notre chat orange que, j'espère, tu ne regarderas pas de la même façon après cette lecture, il y encore un point qui fait que ses aventures sont sûrement étudiées dans toutes les bonnes classes d'Art Appliqué de France et de Navarre : C'est de faire de l'art sur du quotidien le plus banal. Toi cher lecteur je ne sais pas, mais moi, je n'ai pas le génie créatif nécessaire pour traiter une, deux, cinq, dix, cent fois des thèmes comme le lundi matin, l'écrasement d'une araignée ou même le temps passé devant la TV quand il n'y a plus rien à regarder. L'homme du commun te dirait que ce sont des thèmes sans intérêt et qu'il n'y a pas matière à y passer autant
de temps mais le Pop-artiste cultivé passera sa vie (et sans doute un peu plus si son éditeur dédié arrive à faire quelques recueils d'inédits posthumes) a essayer de faire ce qu'il a déjà fait, en un peu pas pareil (mais pas trop différent sinon c'est plus du Pop-art c'est juste de l'art et là tu es sensé faire des trucs différents de temps en temps).

Et quand on se rend compte de tout ça, c'est avec un respect renouvelé qu'on replonge dans ses albums de Garfield.

Et au fait toi qui a tout lu jusqu'au bout et qui a sans doute une capacité de concentration impressionnante, tu voudrais savoir pourquoi les gens qui écoutent France Culture te disent que « Pif et Hercule c'est crypto-communiste ». Ben tout simplement parce qu'autant Garfield t'apprend les valeurs du Pop-art en BD, Pif et Hercule devait apprendre les belles valeurs du communisme aux chères têtes blondes dont les parents lisaient l'Humanité. (Par contre, les gens qui écoutent France Culture ne m'ont jamais expliqué c'était quoi la BD qui enseignait les belles valeurs du capitalisme aux enfant dont les parents lisaient des journaux de droite. Si tu écoutes France Culture ou que tu discutes avec des gens qui écoutent France Culture, sois sympa, passe moi l'info dans les commentaires.)
LonesomeCoder
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le 18 juin 2012

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LonesomeCoder

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