Un monument ? Ok... Nan d'accord... Quoi j'ai pas l'air convaincu ?
Avant toute chose, il faut éclaircir un point très important : oui, "L'Incal" est une œuvre majeure dans la bande dessinée, Jodorowsky et Moebius sont des génies dans leur tête et même si on n'accroche pas, on ne peut nier tout ce que cette série a pu avoir comme répercussions sur la culture de la science fiction, au même titre qu'"Hypérion" ou "Dune".
Maintenant que les précisions sont faites, on peut dire que "L'Incal" c'est quand même sympa mais pas top. Alors c'est sûr que pour une BD de cette ampleur, on est très bien servi. D'abord on retrouve le dessin de Giraud qui se fait franchement plaisir sur certaines planches bien qu'il rende un travail bien médiocre par moment. Même si on peut reprocher un style parfois fouillis et pas toujours lisible, on plonge au fur et à mesure de l'aventure dans un univers à la fois épique et très intime. Il apparaît essentiel de remettre le style artistique dans son contexte avec un début des années 1980 dépourvu pauvre en influences esthétiques science fictionnelles.
Et puis il y a les délires mystico-philosophiques bienvenus de Jodorowsky. Même s'il semble ne pas toujours savoir où il va, il dépeint des personnages qui deviennent rapidement des archétypes nécessaires au scénario. Vouloir raconter une épopée épique et intimiste en même temps, tout en ajoutant une dimension mystique c'est sympa, mais il faudrait peut être y ajouter du sens. Ou alors on est un grand consommateur de Peyotl et on se fait plaisir. Là c'est un peu l'impression que ça donne, avec des personnages qui frisent la caricature pour ensuite vivre des épiphanies morales et universelles, puis retourner au stade de combattant / lâche primaire, pour encore réintégrer un cheminement intellectuel... Bref, "Jodo" ne semble être coincé dans une boucle sans fin, sans savoir ce qu'il veut faire de ses héros.
"L'Incal" c'est surtout un nouveau monde, un nouvel univers, une dystopie fascinante qui donnera naissance à la saga "Les Technopères" (qui reste à mon sens l'un des plus grands chefs d'oeuvre de Jodorowsky). Parce qu'avec un personnage bancal, une histoire qui erre entre fascination mystique et fuite en avant galactique, on touche du bout des doigts les délires de génies, le graphisme fondateur ou encore un univers qui sera de plus en plus travaillé et complexifié.
Jodorowsky et Moebius ont donné naissance à un mythe qui s'est transcendé avec le temps. Mais au départ, c'était pas trop ça...