Raconter une histoire de manière simple, c’est souvent compliqué. Mais pas pour Régis Hautière et Renaud Dillies qui, eux, y parviennent admirablement. Le premier signe un scénario aussi efficace que touchant, avec des dialogues qui font mouche à chaque fois, tandis que le second parvient à faire passer énormément d’émotions grâce à son style de dessin tellement poétique. Au premier abord, on pourrait d’ailleurs croire qu’il s’agit d’un livre pour enfants. Mais il n’en est rien: « Alvin » est bel et bien une triste histoire d’adultes, dans laquelle une gentille prostituée se fait tabasser à mort par un client tandis que son fils un peu trop turbulent est jeté à la rue par sa nourrice. « Alvin » commence là où s’est achevée « Abélard », la précédente série de Régis Hautière et Renaud Dillies. Abélard, c’était l’ami inséparable de l’ours Gaston. Mais il a disparu et depuis lors, Gaston se morfond à New York, passant ses journées entre le chantier d’un gratte-ciel et des parties de carte arrosées chez George. C’est là qu’il monte de temps en temps l’escalier avec la douce Purity, qui est l’une des seules à lui donner un peu de chaleur. Elle lui parle de son fils Alvin, abandonné par son père avant même sa naissance, et lui demande d’en prendre soin si jamais il devait lui arriver quelque chose. Du coup, quand Purity disparaît, Gaston prend Alvin sous son aile. Le gamin n’est pas des plus faciles, on peut même dire qu’il est insolent, mais petit à petit une belle complicité naît entre l’ours ronchon et l’orphelin rebelle. Notamment grâce au chapeau magique d’Abélard, que Gaston offre à Alvin pour le consoler de la perte de sa mère. Une fois par jour, on trouve dans le chapeau un petit papier sur lequel est inscrit une phrase appropriée et pleine de sagesse: « Le fin d’une histoire contient toujours en germe le commencement d’une autre », « Si tu pleures le passé, si tu crains l’avenir, accroche-toi au présent », « Les enfants ont plus besoin de modèles que de critiques »…


Un peu inclassable, « Alvin » est surtout une belle ode à la différence et à la solidarité. Le premier tome de ce dyptique est plein de tendresse, mais aussi de surprises. Car une fois son récit et ses personnages installés, Régis Hautière prend un malin plaisir à emmener ses lecteurs dans une direction totalement inattendue. Alors qu’ils ont pris la route pour Crapeville afin d’essayer de retrouver la famille de Purity, l’ours Gaston et Alvin tombent en effet sur de drôles de personnages. Tout d’abord, ils croisent la route d’un prédicateur illuminé. Ne se contentant pas de prédire l’apocalypse à tous ceux qu’il rencontre, celui-ci expose dans une cage des pauvres types difformes en les traitant comme des monstres, un peu comme dans « Freaks » ou « Elephant Man ». Evidemment, leur sort ne va pas laisser Gaston et Alvin indifférents, et ils vont aider l’un d’entre eux à s’échapper, les trois autres préférant rester à l’abri dans leur cage. Qui est donc ce mystérieux personnage, tout droit sorti d’un film de Tim Burton, dont la tête ressemble à une ampoule? Et que va-t-il encore leur arriver? Bien malin qui pourrait prédire la suite de l’histoire!


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matvano
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le 7 juil. 2015

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matvano

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