De cape et de crocs est une bd qui se savoure pour ses références littéraires, ses alexendrins, ses citations. On y apprécie les dialogues méticuleux où chaque phrase est agréable, les personnages typiquement romanesques avec leur honneur et leurs grands sentiments. Pourtant, loin de tomber dans le travers d'une intellectualisation forcée, la bd se moque gentillement d'elle même, instaurant un climat d'humour des plus agréables, désamorçant le sérieux de ses personnages ou la violence des combats par une bienséance toute théâtrale. La scène du balcon est une bonne illustration du ton choisi par l'auteur. Dans ce dialogue romantique qui occupe le premier plan devant les combats meutriers, le protagoniste déclame de beaux vers, cherchant par ci par là comment enchaîner les rimes, trucidant les vils bandits s'interposant entre lui et sa charmante bien aimée (qui comme par hasard est liée à l'intrigue, ce qui sonne très théâtre classique une nouvelle fois).
Rapidement l'album indique que sous le charmant hommage à ces siècles des temps modernes se trouve un univers plus fantasque, rempli de monstres et de trésors, un peu façon Pirates des Caraïbes. Pour autant, ce premier tome sert avant tout d'introduction et laisse le soin au suivant de présenter cet aspect aventure île au trésor. Ainsi on s'attache davantage aux héros, d'entrée brillant avec un duo assez complémentaire. Se rajoute le capitaine ottoman loin des clichets auxquels je m'attendais et le pauvre lapin Eusebio, victime de son physique ingrat dès son entrée dans la scène de la galère.
L'aspect animal est introduit avec finesse. Certes nos héros sont l'un renard, l'autre loup, ils le savent tout comme leurs interlocuteurs. Néanmoins ils sont avant tout gentilshommes chrétiens et leur race semble bien secondaire, ne les empêchant point d'aimer des femmes. De plus si la bd joue habilement sur des gags liés à leur condition (notamment pour Eusèbe, la peur des rats pour Don Lope qui fait très décalée avec , l'envie de poulet pour son compagnon), elle ne tombe pas dans un travers qui m'agace régulièrement, à savoir l'assimilation du comportement de l'animal par le personnage. Certes Eusèbe est un lapin mais diable il peut tenir un fusil et sauver à tout prix ses compagnons. Oui Don Lope est un loup mais il avant tout un parfait gentilhomme loin de chercher le sang.
De cape et de crocs commence très bien, sans folie, avec un charme tout particulier vis à vis de son approche du siècle, davantage dans la caricature que le réalisme. Le dessin passe sans apporter un véritable plus. Reste à savoir si l'intrigue saura durer maintenant.