Methuen m’a tuer. M’enfin, c’était déjà mal parti ...
Perfide Albion ! Décidément chez Methuen, l’éditeur anglais des aventures de Tintin, on aime bien saccager le travail de Hergé. En 1969 déjà, Methuen avait purgé L’Île Noire de tout son charme et en avait fait un album complètement anachronique.
Deux ans plus tard, en 1971, Methuen is back : c’est désormais Tintin au Pays de l’Or Noir, un album chaotiquement entamé avant-guerre et achevé en 1950, qui doit être redessiné en grande partie afin d’en retirer toutes les références à Israël et à la Palestine. Tout se déroulera au Khemed, un pays pétrolier à peu près semblable à la Jordanie, mais fictif !
Vous voulez vous précipiter sur les rééditions de 1950 pour redécouvrir le cœur de l’intrigue politique ? Pourtant celle-ci est décevante. Il n’y a en fait que 4 planches (p. 14 à 17) qui aient été vraiment altérées par Methuen : même dans l’édition de 1950, une fois ces quelques pages passées, toute l’intrigue palestinienne disparaît, et Tintin est embarqué dans un voyage sans saveur en plein Khemed...
Côté histoire, et déjà dans l’édition de 1950, l’intrigue n’a aucune consistance. Deuxième aventure autour du pétrole, troisième voyage de Tintin dans le désert, deuxième apparition du Docteur Müller et d’Oliveira de Figueira : vous avez dit « déjà vu » ?...
Hergé accumule même des erreurs de narration qu’on espérait définitivement disparues, maintenant qu’on atteint le quinzième tome ! Tintin devient copain comme cochon avec le patron de la Speedol en deux minutes (il lui faudra à peine deux heures pour l’émir), l’apparition de Müller et son lien avec Bab El-Ehr manquent de clarté, tandis que la rencontre entre Tintin et les Dupondt dans la tempête de sable est horriblement confuse et brouillonne (problèmes de perspective).
Sans oublier les souterrains qui servent de prison à Abdallah : portes grises, pierre grise, un seul couloir et aucun effort de mise en scène, on a rarement vu Hergé aussi peu inspiré pour dessiner un décor. L’album se termine par deux pages barbantes d’explications interminables pour apprendre qu’une grande puissance, mais on ne saura jamais laquelle, avait élaboré un improbable complot qui n’aura jamais lieu... Awesome.
Bien sûr, il reste l’humour, le seul élément auquel on reconnaît la patte de Hergé dans cet album : tout d’abord les gaffes des Dupondt et de leurs mirages, mais aussi et surtout l’arrivée déroutante de Haddock, jamais expliquée, qui laisse planer un doux parfum d’absurde résolument belge ! Sans oublier les comprimés de N.14, qui auront des effets cocasses dans les aventures lunaires à venir...
Tintin au Pays de l’Or Noir reste le seul album sans intérêt de la saga : celui dont on ne se souvient jamais, et dont on confond des éléments avec Les Cigares du Pharaon, Le Crabe Aux Pinces d’Or ou encore Coke en Stock. Le seul que je ne relirai probablement pas de sitôt.