"Dr No" ou "Coup de tonnerre" ou "On ne réussit qu'une fois" ou "Fallait le laisser mourir" ou "Le film qui nous détestait" ou "Ce film ne suffit pas" ou "Craigfall" ou "Mendesfall"
Passé l'exceptionnelle intro qui prouve que la hype du moment est bel et bien le plan séquence, et que Sam Mendes sait tourner un film d'action, Spectre donne vite le ton : pour la première fois avec Daniel Craig, on fait face à un vrai James Bond. Je reprends donc ainsi le titre, "un Bond en arrière".
Il faut comprendre par là que le film est bien plus proche de ses aînés (notamment la partie Sean Connery) que les trois précédents films. Casino Royale calquait le style Bourne, Quantum of Solace celui de la grosse merde, alors que Skyfall réussissait à se créer son propre style, tout en piochant ici et là des idées que l'on voit dans quasiment tous les blockbusters d'aujourd'hui.
Est-ce que ça veut dire pour autant qu'on regarde le meilleur Bond sous Daniel Craig ? Loin de là. Et encore une fois, le titre "un Bond en arrière" prend tout son sens...
Le film est bourré de qualités, oui. L'action, Dave Bautista, l'humour en font partie. Dave Bautista, d'ailleurs, dans la plus pure tradition des seconds couteaux Bondien. Il trouve un rôle à sa (dé)mesure. Et faut le dire, il est très bon, et ce, malgré sa participation à la pire poursuite de l'histoire du cinéma, où deux voitures de courses se contentent de se suivre gentiment (sans brûler les feux rouges) avec une blague toutes les trois secondes (je sais que j'ai dit que l'humour était une des qualités du film, mais pas dans cette scène).
Mais les défauts du film sont bien plus importants.
SPECTRE (/ Hydra / Big Brother / etc) est énervant au possible. Le film essaye de créer un lien entre les 3 autres films avec Craig, mais le fait si maladroitement qu'il en devient ridicule. Faut-il rappeler aux scénaristes que Casino Royale et Quantum of Solace parlaient d'une toute autre organisation ? Vous voulez dire que cette organisation répondait en fait aux ordres d'une autre organisation ?
Et puis... Ca devient fatigant ces blockbusters qui montrent tous le même ennemi : le Gouvernement. Depuis quelques années, et encore plus depuis Captain America 2, les blockbusters nous montrent toujours le même ennemi, le Gouvernement (oui en majuscule parce qu'ils sont interchangeables, et là c'est pire, c'est une organisation de plusieurs gouvernements) qui a accès à absolument toutes les informations du monde, des habitants, et qui élimine gentiment ses ennemis avec des drones. Pendant que Nolan dénonçait cette politique avec une subtilité qu'on lui a rarement connue dans la dernière partie de The Dark Knight, les autres blockbusters décident d'y aller comme des bourrins. Je sais bien qu'ils sont censés dénoncer, ouvrir les yeux, informer. Mais y a des limites.
Ensuite. Plus qu'une suite aux aventures commencées avec Sean Connery contre SPECTRE, le film fait office de reboot. Aucun écho des précédents affrontements. Ici, c'est la première fois que Bond affronte SPECTRE. Pourquoi avoir appelé le film SPECTRE alors ? Je sais pas, pourquoi pas ?
Les clin d'oeil et références sont légion. Tel un Blofield caressant le félin, le film essaye de caresser les fans de la première heure dans le sens du poil. Mais ce n'est pas suffisant. Au contraire, c'est limite énervant. Comme une façon de nous dire "oui oui, on les a vus nous aussi, mais on recommence à 0 là, et on voulait pas trouver un autre nom d'organisation".
Et de ce film ressort ainsi un certain constat : et si Christoph Waltz était grandement surestimé ? Et s'il n'était bon que chez QT (bon allez, et chez Polanski aussi) ?
Faut dire qu'il cabotine pas mal dans The Green Hornet, Les 3 Mousquetaires, Big Eyes, et encore, ce n'est jamais autant qu'ici. Comme si sa seule instruction avait été de reprendre son rôle d'Hans Landa. De sourire, d'avoir l'air machiavélique, d'expliquer en quoi il est surdoué (plutôt que de nous montrer qu'il l'est, comme la scène du rat de Basterds...)
Encore une fois, le film n'est pas mauvais. Il est même plutôt bien pour un blockbuster d'aujourd'hui. Mais placer deux références à Hitchcock (la scène du baiser avec Monica Bellucci qui est venue chercher son chèque et ajouter "James Bond Girl" à son CV et le dîner du train, évidemment) et quelques références aux premiers films SPECTRE ne suffit pas à faire oublier les gros défauts du film.
C'est difficile de ne pas se demander si le film ne souffre pas énormément de son tournage chaotique. D'un côté, on est tenté de dire non, tant il est clair, lisible, beau, et seulement terriblement mal écrit. D'un autre côté, les scénaristes auraient eu plus de temps pour écrire s'il n'avait pas fallu tourner le film entre deux pièces de Sam Mendes.
Une vraie déception. Je vais y retourner, pour en être sûr. Mais quand, en plus, le film sort la même année que l'excellent Rogue Nation... On en vient à se demander si l'élève ne s'apprête pas à dépasser le maître.