Il faut être de mauvaise foi pour oser critiquer LE chef d’œuvre de SF de l’histoire du cinéma. Le monument intouchable et immaculé. En l’occurrence, il est vrai que 2001 est intelligent dans sa façon d’aborder les thèmes et de faire ressurgir un climat mystique dans toutes les apparitions du fameux monolithe. Il est tout bonnement inutile de revenir sur les effets spéciaux, éblouissants pour l’époque. Les décors sont tout simplement parfaits, il n’y a rien à critiquer sur l’épatante direction artistique de l’ensemble du projet. Et pourtant, c’est bien dans la forme que 2001 se révèle être aussi agréable qu’un arrachage de carie chez le dentiste. Premier argument de mauvaise foi : 2001 est un film chiant. Mais vraiment chiant, sans le moindre temps mort question ennui. Le rythme est constamment au point mort, la faute à une ambiance sonore souvent ratée et à un montage qui ôte toute trace de dynamisme.


Si le film n’a pas vieilli question effets spéciaux, il l’est considérablement dans son rythme et sa narration (oui, il prend son temps au cours de sublimes séquences à effets spéciaux, mais certaines phases de son histoire aurait clairement pu être dynamisées par une musique appropriée). Solaris de Soderbergh, film chiant par excellence, prenait en tout cas soin de son public en lui donnant un film agréable à contempler, lui aussi incapable de dynamiser son récit, mais prenant au moins soin de lisser ses formes (et on peut à cet effet remercier la musique de Cliff Martinez, un régal auditif de tous les instants). Balançons maintenant la bombinette : la musique de 2001 est ratée. Il est certain que la fameuse ouverture sur Ainsi parlait Zarathoustra, culte, est efficace, et que la musique de Ligetti, souvent inaudible, parvient pendant quelques minutes à être en phase avec les images. En dehors de cela, le choix de la musique classique pour les séquences stellaires se révèle tout simplement insupportable. Complètement en décalage, sans la moindre logique et surtout en détruisant l’ambiance (ok, on a compris la valse des vaisseaux et de la musique), ce choix, souvent acclamé par les critiques, est un gros point noir de 2001. Le rythme déjà lent s’en trouve considérablement rallongé, et surtout, rarement images et sons n’auront semblé aussi déphasés. En terme d’ambiances musicales rétro sur fond de space opera, Wall-E se révèle considérablement plus agréable et fluide.


Enfin, dernière attaque de mauvaise foi : le final nawak. Comme je l’ai précédemment dit, 2001 est très habile dans sa façon d’aborder les thématiques (l’outil, l’évolution, la quête mystique des origines…). Et il est bien conscient qu’il faut laisser une conclusion ouverte (c’est ce qui fait la puissance d’un chef d’œuvre : sa capacité à parler à tout le monde). 2001 tente alors le joli coup de l’esbrouffe avec le trip sensoriel. Séquence psychédélique inoubliable dont le bordélique s’ajoute au nawak total. Jusqu’à la fameuse séquence où personne ne comprend rien, où notre personnage se contemple en train de vieillir avant de se changer en fœtus. Métaphore évidente de la renaissance de l’Homme, diront beaucoup. Fumisterie ! leur répondrais-je ! La séquence semble insister sur énormément de détails dans lesquels tout le monde cherche une signification, alors que visiblement, la scène a été complètement tournée « à l’instinct » (la séquence du verre cassée ne montre selon moi rien de plus qu’un verre cassé). Irréversible et ses scènes très improvisées parvenait lui aussi à suggérer beaucoup plus que ce qu’il montrait réellement. C’est complètement le cas de ce final, dont la transformation ultime reste la plus belle énigme. Dans ce regard final du fœtus faisant face à la caméra, que peut-on lire ? De l’incompréhension, je pense. Dans un magnifique pied de nez aux analystes méticuleux et aux fans de SF les plus endurcis, ce final est l’un des plus ouverts et des moins explicites qui soit (l’accession à un stade supérieur de conscience, l’interprétation Nietzchéenne de l’enfant en tant que surhomme… autant d’outils qui nous laissent complètement désarmés dans la déroute de cette… ouverture). Il délaisse ce qu’il a abordé pour partir vers quelque chose de nouveau (qui vise la transcendance, autant être ambitieux…). Une nouvelle preuve du génie de Kubrick dans la mise en scène, qui clôt son trip avec un point d'exclamation dans ton cerveau qui te laisse une marque si indélébile que tu finis par croire au chef d'oeuvre (si tout le monde le dit en plus, y a pas de raison que ce soit faux...). Toujours plus haut, toujours plus loin, et ne vous retournez pas s'il vous plaît ! 2001, la plus grande aventure jamais tentée dans l'histoire de la SF !


A titre anecdotique, je précise que je me suis livré à un petit exercice amusant, celui de remonter 2001 selon mes propres critères, à savoir virer ce qui est inutile au récit (chose ardue car Kubrick a découpé son film très précisément, ce qui rend chaque plan indispensable à la chronologie des actions, rendant les coupures difficiles). Comme il fallait évidemment changer l'odieuse composition de Ligeti et des musiques classiques, j'ai pioché dans le registre psychédélique des années 60-70, afin de prouver (par mauvaise foi bien sûr) qu'on aurait pu faire mieux que Kubrick ! Avec une petite exception pour l'usage de la musique de Philip Glass, mais toutes les règles sont faites pour être violées. N'hésitez pas à aller voir ici si le bestiau vous tente : https://cinevorace.blogspot.com/2018/04/2001-lodyssee-de-lespace-remontage.html

Voracinéphile

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