69, année érotique. Romy Schneider et Alain Delon s’aiment dans une villa sur les hauteurs de Saint-Trop’, batifolent autour de la piscine, profitent d’un temps suspendu, qui se serait arrêté net, et d’une insouciance solaire, brûlante sur la peau. Jane Birkin et Maurice Ronet débarquent, et c’est le bordel. Rancœurs, jalousies, tensions, amours vacillantes, un mort et trois blessés (de la vie), et un film devenu culte. 2016, année merdique. Luca Guadagnino débarque avec son remake de La piscine, version modern love et rock ‘n’ roll avec des bouts de migrants dedans. Romy a la tête de Tilda Swinton qui a la tête de Chrissie Hynde, rockeuse interplanétaire et aphone, au vert sur une île italienne avec son mec qui a la tête de Matthias Schoenaerts.


Pour le reste, ça oscille, ça varie, ça mute. Le meurtre et l’enquête sont ainsi relégués dans les vingt dernières minutes du film parce que ce n’est pas ce qui intéresse Guadagnino, pas trop, pas vraiment, pas du tout. Son truc, c’est d’observer surtout ses quatre créatures qui se tournent autour et se désirent et se bouffent des yeux, repliées sur elles-mêmes, solitaires, évaporées dans l’obsession de soi jusqu’à en oublier les autres, oublier l’époque (vivre dans le souvenir de sa jeunesse, de la musique, d’actes manqués, de l’être qu’on a aimé…) et cette réalité du monde (les bouts de migrants donc) qui n’aurait plus d’emprise sur eux.


L’eau de la piscine scintille, se corrompt, y reflète les passions troubles et les vieux démons. La villa a des airs de paradis perdu entourée de serpents, en figure de la tentation. Qu’ils y résistent d’ailleurs ou y succombent, Marianne, Paul, Harry et Penelope s’abîment à vouloir contrôler leurs sentiments. Et au milieu d’eux, Guadagnino s’agite, tourbillonne. Sa mise en scène se la joue dynamique, volumineuse, foutraque mais maîtrisée, on le sent bien, et les effets sont parfois ostensibles et puis tombent à plat, forcément ; pas tous, mais pas mal. On l’a connu plus subtil, Guadagnino (Amore). Sulfureux gentiment, vénéneux à peine, excessif beaucoup, A bigger splash fait d’un héritage mythique (le film de Jacques Deray) la relecture contemporaine et glam de nos vies esseulées.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
7
Écrit par

Créée

le 1 avr. 2016

Critique lue 2K fois

25 j'aime

5 commentaires

mymp

Écrit par

Critique lue 2K fois

25
5

D'autres avis sur A Bigger Splash

A Bigger Splash
Frédéric_Perrinot
3

Un gros plouf

L'entreprise est osée. Faire un remake du classique de Jacques Deray, La Piscine, est un pari risqué surtout que le film n'a pas pris une ride et est toujours très actuel. On se demande alors...

le 7 avr. 2016

20 j'aime

1

A Bigger Splash
Fassbender
2

Vain, vide, inintéressant

Infâme et douloureuse expérience que ce A Bigger Splash. Désolé je n'ai pas vu l'original français... On ne croit pas du tout aux relations tissées entre les persos. Ca sonne totalement faux. Ralph...

le 6 avr. 2016

10 j'aime

1

A Bigger Splash
Alexandre_Coudray
6

Un film beau qui tombe un peu à l'eau...

Il fait bon vivre sous le soleil de Pantelleria, là où Marianne, rock-star aphone est partie se reposer avec Paul. Jusqu'à ce que Harry, ancien amant de Marianne, débarque avec sa fille qu'il ne...

le 8 avr. 2016

7 j'aime

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

178 j'aime

3

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

155 j'aime

13