Avec ce premier long métrage, la jeune réalisatrice Ana Lily Amirpour nous présente un univers singulier et séduisant, entre fable pop horrifique et onirisme macabre aux accents lynchiens. Noir et blanc somptueux valorisant des cadres soigneusement composés, achronisme d'une ville figée entre passé et présent, bande originale tour à tour électronique et folklorique, A Girl Walks Home Alone At Night est un objet unique, inclassable.

Et pourtant, la magie opère dés les premières minutes, tant images et sons fusionnent ici brillamment pour former un tout cohérent doté d'une identité propre. Reflet parfait des racines culturelles de son auteur d'origine iranienne, passée par l’Angleterre avant de poser ses bagages à Los Angeles, ce long métrage est un Melting Pot harmonieux dépassant le cadre normatif du film de vampire pour conter une histoire de solitudes.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit dans A Girl Walks Home Alone At Night : la rencontre entre deux êtres isolés. Elle la prédatrice et lui la proie. D'un côté, une femme détachée du monde par sa condition monstrueuse, son instinct animal, réfugiée derrière son mutisme et son voile. De l'autre, un homme en marge de la société, fait prisonnier de son appartement par l'addiction d'un père héroïnomane.

Tous deux cloîtrés, mis au banc de la société, ils semblent s'humaniser et s'animer l'un au contact de l'autre. Très intelligemment, Ana Lily Amirpour n'utilise que très peu de dialogues pour dessiner cette relation sensible entre deux personnages autistes. Ici, la communication est fragile, presque imperceptible, et se limite à quelques regards, quelques gestes.

A Girl Walks Home Alone At Night est donc un film romantique, mais pas seulement. C'est aussi un délicieux voyage ouaté dans un monde purement cinématographique très référencé, à la confluence du western spaghetti, du fantastique de suggestion à la Jacques Tourneur et du trip arty indépendant. Une oeuvre malgré tout éminemment personnelle et originale, qui saura séduire le spectateur capable de s'abandonner et de se laisser porter par son rythme lent quasi hypnotique et son esthétique ultra stylisée. Un coup d'essai en forme de coup de maître donc, pour cette réalisatrice très prometteuse dont on attend maintenant le prochain long avec impatience.
GillesDaCosta
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le 15 sept. 2014

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Gilles Da Costa

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