Un puit, un corps, une corde, deux voitures, un ballon, des casques bleus, un chien, des enfants, des vieux, des femmes, des vaches et des mines. A Perfect Day repose comme le titre ne le cache pas sur un jour comme un autre en temps de guerre dans les Balkans.
Benicio Del Toro, Mélanie Thierry, Tim Robbins ou encore Olga Kurylenko se rendent coups pour coups dans une comédie décalée et un drame sensé autant que critique.
Signé Fernando León de Aranoa qui était jusque là inconnu au bataillon, A Perfect Day est un peu un OVNI tellement le point de vue est osé. Faire une comédie sur un sujet aussi dur que la guerre tout en dénonçant le décalage entre armée et humanitaires (et plus généralement des thèmes inhérents à la guerre, les Balkans, etc.).


Un décalage que l'on retrouve donc sur les deux fronts : celui du contenu du film et de la forme du film. Un scénario osé tournant au tour de choses et d'autres. Evidemment cette équipe d'humanitaires ne va pas sauver le monde tels des Avengers, ni s'affronter violemment comme Batman et Superman, mais ils vont (parfois malgré eux) changer la vie de ces quelques personnes que la guerre aura touchées. A la recherche épique d'une corde pour (enfin) libéré le puit de son poison jusqu'à l'intervention des casques bleus, c'est une épopée riche de rencontres, d'absurde, d'humours et d'aventures que notre groupe traverse.
On se complait à suivre Benicio Del Toro et Nikolas dans leur entraide : un ballon contre une corde...Trouver ces deux objets n'aura jamais été aussi tragique. La scène est d'ailleurs dramatiquement redoutable avec cette mise en scène intelligente où l'humour précède l'horreur. Où la débutante doit (aurait due) écouté l'expérimenté (une mine aurait pu se cacher dans le canapé après tout !).
Tout le jeu autour de la découverte est très intelligemment mené tout du long et le film ne se repose jamais sur le côté décalé que l'on aperçoit dés la première scène. Tim Robbins est succulent en Sébastien Loeb fou des Balkans jouant le sauteur d'obstacles du dimanche (Gauche ? Droite ? Suffit de suivre les vaches en fait, à retenir mes amis). Et à vrai dire c'est ce duo Robbins/Del Toro qui donne une vraie saveur et un vrai charisme. Leurs prestations crèvent l'écran et Olga Kurylenko parait tristement fade en face. Mélanie Thierry est elle plutôt honnête même si la plus value apportée par sa prestation reste minime. Derrière, Fedja Tukan donne une touche assez marrante quand il s'agit de traduire les propos de ses collègues. La scène où la route est barré est représentative de l'ambiance générale de A Perfect Day : Robbins faisant de l'humour, Damir traduisant, des prisonniers, des sous-entendus fabuleusement transmis par la caméra et le regard perçant de Del Toro. On frissonne autant qu'on rit et c'est assez rare de voir autant de décalage au sein d'une même scène (et ce n'est pas la seule du film !).


Comme un symbole, ces humanitaires, au bout de leur périple et de leur nuit à la belle étoile (fucking cow ! C'était à gauche) dont on ne sera jamais si celle-ci était vraiment nécessaire, n'ont pas vraiment changer le monde. Ils auront essayé mais on ne sait pas si Nikolas a respecté son engagement envers Mambru, no spoil sur le puit et finalement on découvre qu'après une journée comme les autres ils vont se retrouver dans une rivière de merde (cette fois ce ne sera pas pour s'évader, désolé Tim). Symbolique ou juste une coïncidence, comme cette pluie. Tout cela pour dire que l'engagement de ses personnes est nécessaire même si le succès n'est pas toujours au rendez-vous.


La photographie générale de A Perfect Day est très belle, autant dans les paysages que certains plans (ceux autour du puits, ceux dans la maison de Nikolas, ceux autour de la route barrée, ceux de nuits, etc.). Le film est propre tout du long, drôle, tragique et décalé. Aussi optimiste que pessimiste, on prend un grand plaisir à suivre les aventures d'un groupe d'humanitaire pas comme les autres dans une journée comme une autre.
Une journée de merde, dans une guerre de merde où chacun aura vécu sa merde mais dans ce tas de merde, chacun aura essayer de vivre sa vie, à son échelle, dans son coin, autour d'un puit ou d'un drapeau blanc, pour signifier que personne n'abandonne et qu'ils sont tous, quelque soit leur but, déterminés à continuer à vivre, malgré la guerre et les emmerdes.

Halifax

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