On peut considérer A Scanner Darkly comme un essai non transformé (oui, je fais bien une analogie avec le monde du rugby). Il y a des intentions louables, des passages où l'esprit du livre de Philip K. Dick Substance Mort pointe plus que le bout de son nez, mais le format "film" à ses limites, la cible Substance Mort est trop haute, trop lointaine, trop évanescente pour que la flèche décochée par Richard Linklater puisse l'atteindre en plein cœur. Peut être parce qu'il s'agissait d'un livre trop intime à Philip K. Dick pour qu'un autre parvienne à réellement se l'approprier.


Pour ceux qui n'auraient pas lu le livre, je ne vais pas spoiler outre mesure. On est moins dans la SF que dans l'anticipation hyper réaliste. Les thématiques sont simples : la drogue et ses victimes. Au niveau individuel, sociétal, social, etc. Je pense que le film s'apprécie mieux une fois sa lecture faite mais qui sait, peut être qu'un regard vierge y trouvera son compte.


Le parti pris visuel du film - tourné en prise de vue réelle puis passé au filtre rotoscopique - a ses avantages et ses défauts.


Le défaut principal : c'est laid.


L'avantage principal : c'est laid.


Pour dépeindre un univers où la réalité n'est jamais sûre, palpable, où le réel n'a plus de saveur sans être shooté, le pari visuel de Richard Linklater est parfait. Pour renforcer cette sensation étrange et angoissante, il prend également le temps de multiplier des cadrages légèrement faux, décalés, embarquant le spectateur dans cette sensation étrange d'invraisemblance terne, où tout file et se dérobe sans qu'il puisse se rattacher au moindre point d'ancrage.


Autre gros point fort du film : le casting tient la route, particulièrement un Robert Downey Jr. au mieux de sa forme. Le non jeu de Keanu Reeves est également parfaitement adapté à son personnage paumé, désabusé et plongeant petit à petit dans une folie dépressive latente.


Essai marqué donc. Mais pas transformé. Parce que le fil du récit, peut être trop fidèle au livre paradoxalement, manque de tenue, de nervosité. Parce qu'il faut attendre les quinze dernières minutes pour voir une véritable intrigue à l'écran. Parce qu'enfin l'esprit du livre ne transparaît que par mimétisme des pages alors que le média visuel aurait pu aller encore plus loin pour décrire cet univers des drogués, des désespérés, des rebuts. Enfin parce que la société américaine n'est que très peu dépeinte, alors qu'est elle l'enjeu même du récit, du livre comme du film.


Tout ne s'est pas bien passé donc, mais quand on voit comment Hollywood a massacré Philip K. Dick ces derniers temps (Paycheck, Minority Report, Total Recall, L'agence), A Scanner Darkly est la boussole à suivre pour les prochaines adaptations.

Hypérion
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le 3 août 2015

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