À l'aveugle
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À l'aveugle

Film de Xavier Palud (2012)

La tragique histoire de Luc Besson à travers une œuvre maudite

Ben c’est quand même assez moisi... cependant voici la vérité.

En effet, d’abord, le grand Luc Besson a eu cette idée de génie «et si le tueur était un aveugle?», et puisque toutes les grandes idées du grand Luc Besson sont données à traiter à son non moins grand et innovant studio EuropaCorp, l’aval a été immédiat et, si je peux m’exprimer de la sorte, irrémédiable. Car le studio, sûrement sapé par quelque espion hollywoodien avide de leur succès, avec notamment les vénérables «Taken», «Taken 2» et le chef-d’œuvre de science-fiction «Lock Out» (adaptant de façon originale et pertinente certaines idées de Carpenter, et le surpassant par la maîtrise cinématographique), a confié le développement de l’idée en scénario et la réalisation subséquente du film à des incompétents qui ont éradiqué tout le suspense, toute l’originalité, toute la brillance que l’idée avait en germe. Si j’affirme toutes ces choses impensables pour un tel amoureux du cinéma que le grand Luc Besson et pour un tel studio maintenant seul le niveau actuel de la production française que Europacorp, c’est justement pour les mettre hors de cause et vous rassurer: les coupables ne nuiront désormais plus à personne et la production d’EuropaCorp aura à nouveau leur qualité et leur gloire, ternies rien que momentanément.

Je disais donc que le squelette du scénario aguichait, grâce à la patte de ce très cher Luc: un flic dépressif à la française se trouve confronté à une situation des plus étonnantes, à savoir un aveugle tueur, habile et insensible. Une sorte de jeu psychologique s’engageait donc entre ces deux anti-héros purs et finalement très français, sur fond morne et triste du Paris automnal.

Mais un esprit malveillant a ajouté au flic un chien (sur lequel reposent de nombreuses situations humoristiques révoltantes pour un film, n’ayons pas peur du mot, néo-noir) quasiment héros principal, un fils gay et son copain inutiles, une coéquipière amoureuse de lui et formant avec lui un couple à la fin, et une tragédie personnelle dans la perte de sa femme dans un accident de voiture. Pour accentuer l’aspect pesant de l’histoire, sûrement, car quel héros peut être dépressif sans avoir eu de tragédie personnelle et quel héros français peut se dire dépressif sans avoir le menton mal rasé, fumer, boire du café et pleurer parfois à son bureau? Scandale et calomnie! Jamais, non, jamais le grand Luc Besson n’aurait admis cela dans un film qui est son enfant, tout comme il n’a pas admis par exemple, que «Arthur et les Minimoys» devienne une saga commerciale, sans prétention artistique, ou que dans «Banlieue 13» la banlieue soit représentée de façon caricaturée et vulgaire, ou encore que les «Taxi» prennent ses spectateurs pour des cons: non, à chaque fois il a lutté pour respecter les spectateurs et ne leur offrir que du divertissement de qualité, lucratif certes, mais précisément PAR la qualité.

Le même calomniateur a procédé également à la standardisation de l’antagoniste, passé, probablement de maniaque pervers, à un ancien militaire berné par le MÉCHANT et CORROMPU gouvernement français. Ce qui l’excuse en partie donc, et fait voir en lui un homme, blessé au plus profond de son être, mais voulant malgré tout servir la patrie. Ensuite, il a ajouté quelques clichés particulièrement odieux, comme l’appartement du trafiquant de drogue, saupoudrant le tout par des dialogues français oiseux et faux.

Les acteurs et l’équipe n’ont ensuite pu, le cœur triste, qu’essayer de réparer cet attentat. Par bonheur, au niveau du rythme et de la photographie ils ont clairement approché de l’idéal originel, et le film n’est pas trop ennuyant ou illisible. La musique, en revanche, a dû avoir été écrite un pistolet à la tempe, car elle est insipide et accompagne sans rougir les scènes censées être émotionnelles.

Je me demande ce qu’à pensé le grand Luc Besson en voyant une telle insulte à son Travail sortir dans toute la France et probablement à l’étranger. A-t-il eu un infarctus (ce qui ne m’aurait pas surpris, vu à quel point il est... en chair)? Heureusement, non; et il a sans attendre ordonné une enquête pour démasquer le traître, hélas trop tard.

À présent, rendons grâce aux dieux, il semble s’en être remis et voilà qu’il dévoile une nouvelle percée dans l’originalité cinématographique, future fureur dans les milieux cinéphiles: l’excellent «Malavita», porté par un Robert de Niro à la carrière parfaite.
Owen_Flawers
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le 19 oct. 2013

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Owen_Flawers

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