C'est ce qui s'appelle en avoir dans le ventre.
Il y a dans Alien de nombreux éléments que j'adore dans le cinéma. Même si les fonds verts permettent de nos jours des choses très intéressantes, je ne peux m'empêcher de pester contre leur utilisation à outrance. Ce qu'ils permettent de gagner en grandiloquence et beauté (pas toujours), mais surtout en facilité d'accès, ils le perdent en sincérité et en réalisme. A mes yeux, un décor naturel ou un studio décoré avec soin vaut mille fonds verts. Evidemment, le travail est d'autant plus difficile et le talent est nécessaire.
Et à ce niveau, Alien est un exemple de ce qui se fait le mieux dans la Science Fiction. Les décors sont composés avec majesté, ils sont tout simplement extraordinaires. L'identité artistique est forte, qu'on soit dans les différents vaisseaux ou sur une planète inconnue, rien ne dénote, on se sent toujours dans le même univers. Un monde sombre, un peu froid, à la technologie qui nous dépasse mais qui pourtant reste familière. Et quand on s'en va explorer un vaisseau alien, on se sent directement ailleurs, devant une autre architecture, une autre structure, et on est fasciné par la découverte. Le tout fourmille de détails, de trouvailles et d'idées qui rendent la progression dans le vaisseau des héros toujours fascinante visuellement.
Bref, en un mot comme pour cent, on y croit. Et c'est incroyable ce qu'on peut faire comme décors sans user d'images de synthèse quand on a du talent. C'est un travail qui me fascinera toujours. Et c'est surtout un travail qui, 35 ans plus tard, ne prend pas une ride.
Mais ce n'est pas tout ! L'identité visuelle du film passe aussi par une photographie de toute beauté, sombre, qui contribue magnifiquement à l'ambiance oppressante du film. Vers la fin du film particulièrement, les effets visuels au niveau des éclairages rajoutent beaucoup d'intensité, et confèrent au métrage des images fortes. Des images sublimés par une musique très efficace, bien composée, qui n'en fait pas des tonnes et participe grandement à l'ambiance.
Ce que j'aime aussi dans ce traitement de l'horreur, c'est le fait de ne pas nous faire côtoyer une équipe de True American Heroes surentraînés, on côtoie au contraire des marchands lambda, ce qui ajoute grandement à l'identification. Et qui plus est, le fait de les savoir faibles augmente le potentiel horrifique, dans la mesure où ils se défendent mal et surtout dans la mesure où ils commettent des erreurs bêtes, que beaucoup d'entre nous auraient commises aussi. De plus, le fait de ne pas avoir de héros clairement identifié au début permet de douter de la survie du moindre membre de l'équipage.
L'Alien lui est aussi particulièrement travaillé. Que ce soit dans son design inspiré, qui a toujours autant de gueule de nos jours, ou dans la manière dont il est traité. Son invincibilité supposée augmente également le potentiel horrifique, et le fait de ne l'apercevoir que rarement dans le film permet de le craindre d'autant plus.
Pour toutes ces raisons, Alien est un film que je respecte fortement, et je comprends tout à fait l'impact qu'il a pu avoir sur de nombreux spectateurs.
Néanmoins, par ma note, je ne juge pas le travail de conception, mais bien le film qui en résulte. Et au film en lui-même, j'ai quelques reproches à adresser.
De fait, malgré toutes les qualités que je lui reconnais et que j'adore y contempler, il me faut admettre qu'à mes yeux Alien est relativement décevant. Il ne m'a pas convaincu totalement dans l'expérience horrifique qu'il est censé proposer.
Pendant le film, j'ai été bien malgré moi plus spectateur qu'acteur de l'action. En d'autres termes, je ne me suis pas senti immergé, je n'ai pas participé à l'angoisse du film, mais me suis contenté de l'observer. La distance que j'ai gardé m'a empêché de ressentir un véritable suspense ou de la peur de manière générale. Cette distance, je ne l'ai pas voulue. Elle s'est malheureusement imposée à moi pour quelques raisons.
La principale raison est que je ne me suis pas assez inquiété pour les personnages car je m'attendais à les voir mourir. Dès que la caméra fait un focus sur un personnage seul dans un endroit inquiétant, notre esprit de spectateur prend le relaie et on sait qu'il va lui arriver quelque chose, c'est l'évidence même. A partir de ce moment là, pour moi c'est perdu. La surprise est morte et l'horreur attendue.
Le manque de surprise pourrait être compensé par une gestion haletante du suspense, mais ce n'est pas le cas non plus. Que le monstre soit invincible, c'est très bien, parfait même. Mais il aurait fallu tout de même jouer avec les chances de survie de l'équipage. Certains pouvaient crever immédiatement histoire de montrer à quel point la bête est puissante, mais je pense qu'il aurait fallu jouer avec l'espoir plutôt que de nous mettre tout de suite dans le désespoir. C'est un choix j'en conviens, mais dès que le monstre apparaît c'est déjà perdu pour les personnages secondaires. Ca renforce le mythe entourant la créature, mais ça ne participe pas au suspense. Les personnages auraient pu essayer de fuir, de se cacher, ou de le combattre autrement qu'en lui sautant dessus bêtement, pour jouer sur le doute du spectateur, pour que celui-ci se demande " va-t-il s'en sortir ?", pour qu'il se dise "il s'en est fallu de peu!", quitte à ce qu'il se dise après "ou pas". Il n'y a que la scène avec Dallas qui crée vraiment de la surprise ou du suspense pour un personnage secondaire.
A mes yeux, ça manque de paranoïa, ça manque de crainte, à part au climax final je trouve qu'on ne craint pas assez de voir l'Alien surgir à chaque instant. On aurait pu, je ne sais pas, l'entendre au loin, jouer sur les bruits, faire en sorte qu'on le croit proche mais en fait non... On aurait pu aussi, peut-être, ne pas montrer la mort d'un personnage mais simplement l'entendre hurler au loin, pendant que l'on suit Ripley, qui se mettrait alors à douter, et là le spectateur ne saurait pas ce qu'il se passe et la peur agirait davantage...
Bref, ce ne sont que des suppositions de ma part, mais c'est ce qui m'a manqué dans ce film. Cela dit, comme je le disais juste un peu plus haut, il y a une tension finale très bien menée, renforcée visuellement de manière incroyable, où on se met vraiment à craindre pour la survie de notre héroïne, ou en tout cas à nous demander comment diable pourrait-elle s'en sortir.
Malgré mes reproches, Alien est un film que j'ai apprécié redécouvrir, qui reste un divertissement très bien mené et renforcé par une direction artistique de haute volée. En 35 ans, le film n'a pas vieilli, ou très peu. L'Alien sur roulette dans sa première apparition fait un peu tiquer, de même que l'Alien en costume quand on le voit entier, mais on n'est pas bêtes et on sait être indulgents devant ces quelques points qui ne sont pas spécialement dérangeants. La seule faute que l'on peut reprocher à l'âge de ce film, mais le film n'y est pour rien, c'est que son statut de film culte lui a valu de perdre toute la force de la scène de la naissance, qui elle est une véritable surprise inattendue et choquante, mais qui est de nos jours connue de tous. Avant même de voir le film pour la première fois, je savais comment ça se déroulait, et j'attendais cette scène. C'est un peu triste.
En somme, Alien est une maîtrise technique totale, un régal indéniable à ce niveau, mais qui restera pour moi une plus grande réussite en terme de SF qu'en terme d'horreur.