Tiens, tiens, Fabrice du Welz, qu'est-ce qu'il a fait d'autre, son nom me dit quelque chose ?
Ah oui, ça me revient.
Calvaire. Avec Laurent Lucas présent au casting, déjà bizarre, malsain et dérangeant, dans une ambiance glauquissime. Mais un film plutôt bien fichu et original, au bout du compte. Du bon cinéma de genre indépendant.


C'est un peu le constat que je ferai sur Alleluia, même si l'histoire et la façon de filmer sont bien différentes. On sent qu'en l'espace de 7 ans, le petit Fabrice est devenu grand, a peaufiné son esthétique et son scénario - s'est-il inspiré de Gaspar Noé, ça ne m'étonnerait pas, beaucoup de plans m'ont fait penser à lui - pour nous proposer une sorte d'OVNI cinématographique de tout premier choix.


Adaptation libre d’un fait divers qui a secoué les Etats-Unis de 1947 à 1949, Alleluia raconte l’histoire
de Martha Beck et Raymond Fernandez, une jeune infirmière et un escroc, gigolo à la petite semaine, qui vont basculer dans la tragédie meurtrière.


Le film ne m'a pas conquise tout de suite : le grain sale de l'image, l'histoire chelou, les longueurs, les réactions absurdes des personnages et les invraisemblances ne me disaient rien qui vaille. Je ne comprenais pas où le film voulait nous emmener. Je ne savais pas si j'étais dans une histoire de passion amoureuse, de folie meurtrière allant crescendo, de jalousie, ou tout ça à la fois ?


Je ne voyais pas ce que recherchaient les protagonistes, ce couple démoniaque qui se lance dans une odyssée cupide qui va prendre une tournure bien différente que celle escomptée. Et puis, les choses se clarifient peu à peu, d'une bien épouvantable façon (âmes sensibles, faites gaffe). Du Welz n'hésite pas à choquer avec un scénario certes très bien ficelé mais extrême et très dérangeant, dont certaines scènes risquent de me rester à l'esprit très longtemps.


J'ai noté et apprécié la dimension "mystique" et infernale de Michel et Gloria qui s'adonnent d'ailleurs pendant le film à des séances qu'on dirait ou païennes ou sataniques (danse nus autour du feu, cérémonie d'union dans une grange, invocations magiques) : la présence de la couleur rouge, des flammes, des lumières chaudes participent de cette atmosphère diabolique très anxiogène. Les personnages gardent longtemps leur part de mystère, on a du mal à saisir ce qui les anime vraiment.


J'ai trouvé que la façon de filmer était puissante et efficace, nerveuse, dynamique - ultra contemporaine et réaliste, crue aussi, par moments. Et que dire de cette photographie souvent hyper léchée et presque romantique ? Ce film est difficile à définir mais cette complexité en fait un objet absolument fascinant par le mélange des genres et des styles qu'il propose.


Laurent Lucas incarne à la perfection - comme souvent - cet être borderline, troublant, vacillant - insaisissable - dont on peine à entrevoir les motivations. Son visage, ses expressions disent à l'évidence une certaine folie, et on sent bien dès le début que le monsieur n'a pas la lumière à tous les étages. Gloria, incarnée par l'espagnole Lola Dueñas, est un personnage étrange qu'on voit évoluer durant le film : de maman solo lambda à la recherche de l'amour à meurtrière maboule assoiffée de sang, il semble n'y avoir qu'un pas, que la passion amoureuse permet de franchir allègrement.


Malgré tout, le réalisateur parvient à extraire l'or de la boue, à faire jaillir chaleur et beauté au milieu de la dévastation : l'esthétique générale du film et le jeu très juste des acteurs y sont pour beaucoup.


Fabrice du Welz a confié vouloir, dans ses oeuvres, filmer le chaos sous une forme poétique.
C'est exactement ainsi que j'ai ressenti ce film.


Malgré donc quelques errements illogiques du scénario, Alléluia demeure un film dense, sans concessions, très singulier, violent et beau à la fois à ne surtout pas manquer.

BrunePlatine
8
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le 29 janv. 2016

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