L'amour ? Pour chacun, c'est une notion bien vague et bien changeante selon les individus. L'amour, ça peut être éphémère, éternel, proche, éloigné, homogène, hétérogène...bref l'amour révèle tant et peu à la fois, mais c'est cette flamme qui instaure crée et fait perdurer la vie. Lorsqu'il n'y a plus d'amour, il n'y a plus de vie.


Passons cette réflexion métaphysique de comptoir et revenons à Haneke, le grand Haneke. Celui qui ne passe jamais inaperçu à Cannes (Grand Prix du Jury pour Le Pianiste, Prix de la Mise en Scène pour Caché et deux Palme d'Or : Le Ruban Blanc et donc Amour) revient avec un nouveau sujet fort : L'amour en fin de vie. Avec un un sujet aussi ancré dans la réalité, il y a de quoi proposer une réflexion extrêmement intéressante sur la question de l'euthanasie. Les détracteurs d'Haneke y voyaient déjà un sujet à récompense. Il est vrai qu'un tel synopsis suscite déjà l'émotion et la bande-annonce accompagnée de ces quelques notes de pianos avait fini de nous convaincre du potentiel d'Amour. La mise en scène correspond parfaitement aux codes d'évaluation du festival de Cannes (montage mathématique, maniaque autant dans la précision des images que dans le jeu de ses acteurs....) et le sujet fort (dramatique) avait tout pour conquérir le jury. Amour est un film pleinement dans l'air du temps, qui fonctionne grâce aux talents d'interprétation des poignants Jean-Louis Trintignant & Emmanuelle Riva.

En effet, si l'aspect théâtrale de leur jeu peut surprendre, il faut dire que la complicité, l'amour, la vie de ces deux géants du cinéma se ressentent à l'écran. Aussi bien dans ces quelques dialogues simples qui ponctuent la vie que dans ces longs moments de silence où l'on se demande, après tant d'années passés ensemble, ce que l'on peut encore bien se dire ? Emmanuelle Riva se transforme littéralement, passant d'une modeste professeure de musique retraitée à un fardeau à moitié paralysé pour son mari. Un mari joué par Trintignant, ce "monstre parfois" qui arrive encore à surprendre sa femme malgré le temps et qui dans son jeu fait ressentir tout l'amour qu'il a pour elle. Sa promesse de ne pas la laisser à l’hôpital, ses soins à son égard, sa capacité à tenter de préserver le bien-être de sa tendre. Bref il y a quelque chose de vrai, de touchant dans cette relation sans jamais faire appel, par un quelconque procédé (musical entre autres), à une séquence larmoyante. Souvent, l'intrigue fait apparaître une certaine empathie à l'égard de ces personnages et on ne peut qu'être ému par ce destin si dramatique.

Amour, c'est l' "Intouchables" du cinéma d'art et d'essai. Haneke présente les coulisses de la gestion d'un handicapé partiellement ou entièrement paralysé. Ce sont les moments sales de la douche, des couches, des pertes de mémoires, des crises, des infirmières qui se relaient. Ce sont les moments de communications complexes où les autres ne peuvent comprendre la situation. Ce sont les choix difficiles. Ce sont les coulisses de l'amour, le "pire" qui peut se produire dans un couple amoureux aussi longtemps. C'est ce qu'"Intouchables" n'a pas montré.

La mise en scène d'Haneke reste logiquement statique, mais parfaitement découpée, ce qui rend parfaitement hommage au grand Cinéma, celui extrême jusqu'au bout qui crée les chefs d'oeuvres. Paradoxalement, Amour a tout pour être le chef d'oeuvre, probablement la pièce maîtresse de la filmographie d'Haneke et qui prend tout son sens grâce à ses deux interprètes en fin de carrière. Mais c'est une oeuvre difficilement accessible. Regarder Amour, c'est pouvoir s'accrocher à ses prérequis pour tenir durant ces deux heures où les longs plans monotones se suivent à un rythme retenu. Il faut s'accrocher pour observer cette dure réalité. C'est une leçon de vie terriblement difficile mais c'est une réalité. Amour est un film pessimiste sur la vieillesse, la fin de vie, le couple, l'amour. De par son bagage de connaissance, le spectateur doit être capable d'accepter cette vérité.

Amour, une notion intemporelle qui va devenir un film intemporel. Une drame certainement majeur du cinéma d'auteur et de Cannes. Parce que c'est tout simplement un film empathique mais jamais larmoyant, épuisant et captivant à la fois, inspirant et suffocant. La réussite du film vient aussi du travail méthodique sur un sujet si difficile que nous décrit Haneke, dans un élan de génie.

Amour, c'est le Cinéma à l'état pur ! Lorsque le théâtre rencontre la réalité pour donner un résultat sur écran aussi bien fictif qu'existentiel. Une Palme d'Or si belle et si pessimiste à la fois. Difficile de ne pas repenser à ce film avec émotion.

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le 24 oct. 2012

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Kévin List

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