Ca ne m'arrive pas souvent : je ne sais pas quoi penser au sujet de ce film. Non pas que je n'en pense rien, mais j'en pense trop. Cela vous arrivera aussi.
On ne peut en parler qu'à la première personne, tant ce cinéma est de ces expérience qui s'insinuent en vous à votre insu. Vous pensez être protégé, voire même pas ciblé, et il est soudain trop tard : en voyant un homme faire la vaisselle à l'écran, vous êtes écrasé par le poids de la condition humaine et du drame non émotionnel qui l'enserre et la définit. Votre esprit ainsi travaillé par le moindre détail (qu'il soit à l'écran ou suggéré par votre regard) n'a plus d'autre choix que de vivre ce qui pourtant est présenté comme l'invivable.
Je ne comprends toujours pas comment Haneke a fait. En adoptant un ensemble formel et de contenu très distancés du spectateur (leur langage précieux, leur statut social, la rationalité des cadrages et de la mise en scène), l'effet tout juste inverse se produit, et pas par hasard. Le spectateur baisse un peu sa garde et pense observer, alors qu'il devient soudain lui-même acteur de cette expérience universelle. En mettant en avant toutes les idiosyncrasies des personnages, ils permet finalement au spectateur de passer outre le plus vite possible et sans effort.
Cet homme, là, qui lave ces assiettes, le fait-il par sagesse ou par simple aveuglement quant à l'essence de l'expérience humaine ? Que nous est-il montré au juste ?
Cette incapacité à trouver réponse est une des plus stimulante que j'aie pu vivre ces derniers temps.
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