L'amour c'est rien qu'une histoire de cul qui a évolué
Difficile d'aborder ce film, auréolé des lauriers de la palme d'or de Cannes, sacré grâal du cinéma, protégé de son réalisateur aux multiples récompenses, sacré de ses acteurs expérimentés et très très vieux (donc très expérimentés), entouré de cette aura de film d'auteur que tout le monde ne pourra pas comprendre et qui laissera sur le côté une frange non négligeable du public, au motif de son ambition intellectuelle.
Dès lors, se pose la question de l'art, inaccessible au commun des mortels, que seules quelques élites érudites et dotées de la sensibilité idoine peuvent toucher du doigt et faire leur.
Amour fait peut-être partie de ces oeuvres. Georges et Anne sont un très vieux couple amoureux par delà les années. Leur affection réciproque ne semble pas entamée par l'érosion. A la défaveur d'un petit AVC, leur vie grand bourgeois change du tout au tout.
L'appartement haussmannien immense pour deux personnes seulement devient le tombeau étouffant d'un couple à la dérive. S'ils décident de surmonter ensemble les obstacles, cela ne se fera pas sans heurt.
Très théâtraux (surtout Anne), Georges ne commencera à souffler que lorsque l'épouse perdra l'usage de la parole.
Les visiteurs, rares et riches, engoncés dans cette politesse suranée et des carcans sociaux imbitables, se succèdent pour enfoncer le moral de ceux qui n'ont rien demandé et font avec malgré tout.
La famille devient pesante, avec ses leçons de morale, l'infirmière aussi, si peu scrupuleuse du confort de la patiente, le mari, lui-même, dégringole de son séant. Si docile et prévenant, il finit par se perdre, en même temps que le film qui succombe à toutes les facilités.
Porté par un duo d'acteurs exceptionnels (surtout Trintignant), proprement filmé avec de longs plans fixes, bien écrit, probablement trop d'ailleurs, Haneke fige pourtant son propos dans l'ambiguité dans laquelle il l'inscrit et signe un film froid, à la fin convenue. Jusqu'où va l'amour, comment s'arrête t-il, comment l'amour fait face à la mort, autant de questions écrites dès le pitch et dont le film se gargarise de ne pas trouver les réponses, préférant prendre de la hauteur avec son objet, plutôt que descendre dans la crasse du vécu.
Les derniers plans, comme les premiers, sont beaux, grands, maîtrisés. Mais il est difficile de faire sien cet art si bourgeois.