Rarement le mot amour n'a trouvé une si belle place dans le titre d'une oeuvre. Ici point de mièvrerie télévisuelle populaire, de lyrisme exacerbé ou de passion sexuelle chère aux amateurs d'art déviant, mais une histoire simple et belle au sein d'un couple qui dure.
Haneke signe un huis-clos complet en maîtrisant à merveille l'espace restreint dont il dispose: un bel appartement parisien. Sans ne jamais sortir de l'habitation, le réalisateur de Funny Games nous livre une vision de la vie en couple d'une intensité rare, dans laquelle il dit tout sans ne rien vraiment montrer. Ce tour de force, qui ne peut être que le fait d'un artiste en pleine possession de ses moyens et non d'un faiseur qui voudrait en mettre plein la vue à un public de plus en plus voyeur et malsain, force le respect et sa Palme D'or du dernier Festival de Cannes rassure à ce sujet.
Amour repose sur le couple Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant qui sont en parfait état de grâce. Bien que le film parle de vieillesse et de fin de vie, à aucun moment les mots vieux ou mort ne sont prononcés. Haneke réussit un sublime film romantique dans le sens propre du terme, une oeuvre réaliste d'une justesse peu commune.
Bien sûr, il est préférable d'entrer dans la salle de cinéma en sachant que l'on ne va pas s'amuser, se divertir ou passer du bon temps, car le cinéma du cinéaste autrichien est exigeant et nous renvoie très souvent à nos propres peurs et maladresses face à ce qui nous tient tous en éveil: la vie, et par conséquent sa finalité, la mort. On trouve aussi Isabelle Huppert dans un rôle pertinent de catalyseur, grâce auquel le spectateur apprend le passé et certains secrets du couple. Parvenir à une telle magnificence de la vie au travers d'une tragédie domestique presque banale, tient quasiment du miracle à l'heure actuelle.