Antichrist par Gérard Rocher La Fête de l'Art

On les appelle He et She. Ils forment un couple très amoureux et sont parents d'un petit garçon sujet à des nuits parfois agitées. Une nuit alors que les parents font l'amour, l'enfant se penche à la fenêtre et s'écrase sur le trottoir. La vie du couple s'avère alors difficile et les reproches s'accumulent. He qui semble avoir des dons de psychologie décide avec son épouse de se rendre à "Éden", un chalet au confort plus que rudimentaire, perdu en pleine forêt afin de tenter une thérapie. Pendant ce temps, un vieux chêne laisse sinistrement tomber ses glands sur la toiture pourrie.


Après ce tragique accident le couple vit très mal ce choc. She se replie sur elle-même. Elle se refuse à tout contact et se sent portée de la responsabilité éventuelle d'avoir, durant leur étreinte, assisté à l'accident sans avoir la faculté d'intervenir. He essaie de la raisonner et de la ramener à SA réalité en se gargarisant de questions, de croquis et d'hypothèses savantes, ce qui ne fait qu'agresser un peu plus She qui va alors se métamorphoser. Sa personnalité va alors exploser. Elle devient une monstrueuse sorcière traquant ce mari qu'elle trouve alors détestable La nature à l'unisson de She se venge également, elle devient effrayante, venimeuse. La jeune femme tient sa vengeance alors que sur le chalet vétuste les glands continuent de tomber tels des êtres quittant la vie. Les vieux chênes finissent par s'abattent, les animaux deviennent antipathiques épris eux aussi de vengeance contre "l'homme". La nature devient hostile et se venge de ses souffrances endurées.


On connaît Lars von Trier et ses analyses de la vie et de l'oppression qui par leurs hardiesses et aussi leur violence ont tendance à choquer le public souvent dépassé non pas par la brutalité du propos mais par celle des images. Comme dans son magnifique "Dogville" il s'attaque ici aux persécutions faites aux femmes pour qui la douceur et parfois l'avilissement les transforment en véritable monstre afin de venger les humiliations subies par le machisme. Alors c'est vrai, dans "Antichrist" il atteint le summum de la violence, pour lâcher toute sa haine contre un monde qu'il déteste tel qu'il est. Beaucoup de scènes sont à la limite du supportable voire même insupportable mais qu'importe, lui aussi à sa manière exprime sa vengeance.
C'est vrai que personnellement, je pense que le sulfureux réalisateur n'était pas obligé de nous démontrer sa pensée par une avalanche de passages d'une rare cruauté faisant couler à flot l'hémoglobine. Même si j'approuve ses idées sur la société et la conception de celle-ci, sa réflexion risque de se retourner contre lui tant elle est disproportionnée dans sa formulation et c'est bien dommage.
J'ai noté 6 pour cette œuvre que je ne l'ai pas détestée. Le fond du propos me plaît bien et je le rejoins totalement. Je justifie ma note par l'interprétation exceptionnelle de Charlotte Gainsbourg, complètement investie dans le rôle ingrat à l'extrême d'une femme se transformant au fil du temps en démon avide de mort et d'atroces supplices. Willem Dafoe est est remarquable dans le personnage d'un homme sûr de lui, de son savoir, personnage agaçant par ses propos savants et moralisateurs. N'est il pas ici le reflet de Lars von Trier ?


Je ne m'aviserais pas à encourager vivement quiconque à voir ce film car il faut être préparé à assister à un spectacle où la sauvagerie des images masque cependant le message du réalisateur. Le public ne s'y est pas trompé. Le film fut très "chahuté" alors que Charlotte Gainsbourg amassait les faveurs des spectateurs et du jury à Cannes en 2009. Je reste donc mitigé et pourtant je reconnais que Lars von Trier est un très grand réalisateur à l'imagination fertile.


Ce film a obtenu :
- Prix d'interprétation féminine au festival de Cannes 2009 pour Charlotte Gainsbourg pour "Antichrist".


Note: 6/10

Grard-Rocher
6
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le 30 avr. 2016

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