J’avoue avoir regardé ce film, après moult hésitations, principalement pour la bande originale signée Miles Davis, que j’avais écoutée un nombre infini de fois et que je voulais voir collée sur une pellicule. Je voue un culte absolu à Miles Davis qui me fait chavirer à chaque écoute, quel que soit son album, même si Kind Of Blue provoque chez moi une palette d’émotions qui peuvent aller de la simple déclaration d’amour à ma dulcinée, jusqu’au désir le plus enfiévré de la renverser sur le lit, pour qu’elle découvre que je peux encore avoir vingt ans. Il n’est donc pas impossible que je m’attarde sur son cas un peu plus loin. Je craignais quand même, avec Ascenseur Pour l’Echafaud, le film Nouvelle Vague pompeux, hermétique et qui me gâcherais mon Miles.

Comme quoi il faut parfois savoir se faire violence, Ascenseur Pour l’Echafaud a été une des mes meilleures surprises de ce début d’année. Il mélange allègrement, mais sans faux-col, l’amour et le meurtre, la désespérance, le destin et surtout la fatalité. On sent dès les premiers instants que l’issue, sans qu’on la connaisse, ne peut qu’être tragique. Il faut dire que lorsqu’on ne traite, comme le fait Louis Malle, que de personnages totalement dominés par leurs sentiments et leurs pulsions, on imagine bien que leur raison de sera pas là pour les sauver. L’histoire n’a pourtant rien de très original, des amants décident de tuer le mari mais l’amant, quelque peu tête en l’air, oublie derrière lui un détail qui le désignerait directement comme coupable. Il se fait donc fort de corriger cet oublie, mais se retrouve coincé dans un ascenseur dont on a coupé l’alimentation pour la nuit.

Ce film sent la fatalité à plein nez, tous les événements, décisions des protagonistes, parfois prises en dépit du bon sens, ne sont que des panneaux leur indiquant : « Pour votre malheur : par ici ! » Tout mène à cette fin et pourtant, le film n’en devient ni fade ni prévisible car rapidement, on se rend compte que le plus intéressant n’est pas cette fin, mais le moyen d’y arriver et les souffrances par lesquelles passeront les coupables victimes de louis Malle.

J’oublierai surement très vite Maurice Ronet dans le rôle de l’amant, trop absent, rôle trop succinct et surtout pas à la hauteur. Pas à la hauteur de Jeanne Moreau, qui à l’époque ne souffrait pas des imitations stupides et emplies de médiocrités, d’un humoriste qui est malheureusement originaire du même département que moi (shame on me) et qui ne lui arrive même pas à la plante du pied sous lequel elle devrait l’écraser. Elle est d’une beauté rare, pleine de mélancolie et d’une tristesse sublimement belle. Elle magnifie cette mortelle randonnée nocturne dans les rues d’un Paris hostile et défavorable aux amants diaboliques.

Un ton encore au-dessus Lino Ventura, l’ancien boxeur devenu monument, armoire à glace cinématographique. Il apparaît et tous les autres disparaissent. La caméra jette ses armes à ses pieds, tombe en amour pour lui et se laisse hypnotiser, magnétiser par ce charisme, cette prestance et cette classe d’une gueule quand même pas si belle, mais si belle quand même.

Pour finir par le dessus du panier, la musique de Miles, mon trompettiste à moi, que je vous interdis d’aimer autant que moi, ce son si juste est probablement le plus précis et le plus clair de l’histoire de la trompette. Ses airs dirigent le film, les acteurs, les mouvements et les cadrages, ses airs inspirent les acteurs et ajoutent au tragique inéluctable. Cette trompette c’est le souffle du vent passant par la Corne d’Abondance, c’est la chaleur d’un baiser langoureux qui vous descend jusqu’aux tripes, c’est la musique d’un black façonnant un polar d’une noirceur que seul Miles pouvait porter sur la gamme. Mon Miles.
Jambalaya
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le 14 mars 2014

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Jambalaya

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