Apprendre aux enfants - leçon 1
Critiquer Bambi, c'est difficile. D'abord parce qu'étant enfant, le film m'a profondément marqué et ensuite parce que le juger avec des yeux d'adulte est impossible. Dans tous les cas, on ne peut que lui reconnaître des qualités indéniables même s'il persiste quelques petits défauts. Chef d'œuvre de l'animation américaine des années 40, un classique de Walt Disney transportant les valeurs de la maison aux grandes oreilles, aujourd'hui un peu vieilles et (peut-être) trop conservatrices, trop simplistes.
L'animation fait en effet beaucoup dans la magie de ce dessin animé puisque même aujourd'hui, elle ne perd rien de son charme. Certes la technique est désuète de nos jours, où la 3D est référence (tristesse) et où l'animation à la main n'est plus réservé qu'à un Miyazaki vieillissant (rappelons nous son magnifique Ponyo), mais elle transmet toujours un charme fou. Cette ambiance de vrai, même si les fonds sont immobiles et que les personnages sont des calques que l'on déplace sur ces fonds. Cette illusion si bien mise au point que tout le monde y croit. C'est d'ailleurs ce qui a fait en grande partie le succès de Walt Disney à travers le monde, même si les anti américains ont pu s'en offusquer : le monsieur est talentueux !
Seulement voilà, l'animation ne fait pas tout. Et on peut comprendre les détracteurs d'un faiseur de film trop américain : on y retrouve toutes les valeurs niaises qu'on peut voir dans les films d'animation d'aujourd'hui, à savoir l'amitié avant tout, les valeurs familiales, le père souvent absent, la mère surprotectrice, indispensable à tous, le don de soi... Tout ce qu'il faut pour élever un enfant dans un monde rose, sans accro. Pourtant, Bambi surpasse de loin ces détails de son histoire. Pourquoi ? Parce qu'on y introduit la mort. La mort oui, de façon dramatique, horrible, survenue de nulle part, au moment où s'y attend le moins, fourbe et violente. La mère de Bambi se fait tuer par les chasseurs. Et le film est formateur pour l'enfant qui le regarde car en plus d'être très affecté par la mort d'un personnage indispensable (celui de la mère), il fait une comparaison avec son monde. Et Walt Disney réussit le tour de force de proposer la mort telle qu'elle est : un corps disparu, plus aucune trace de la personne aimée, un vide, un monde qui s'effondre. Car on ne voit jamais le corps de la biche, juste un coup de feu, fatal, et la mort a fait son œuvre. S'en suit une période de dépression pour le faon où tout s'écroule, imagée par l'hiver et un père autoritaire et insensible, le poussant à grandir, à aller de l'avant jusqu'à l'arrivée du printemps.
En cela Bambi reste un film réussi puisqu'il ne prend pas le parti trop facile et dénué d'intérêt d'enfermer l'enfant dans une bulle protectrice, où le monde est parfait. Non, il permet de commencer à l'enfant un apprentissage, lui expliquant que tout ne se passe pas comme prévu, la perte de quelque chose est très vite arrivée, il faut prendre le temps pour cela d'en profiter. Des valeurs trop conservatrices donc mais paradoxalement, un bon en avant et surtout de grandes qualités pour ce film d'animation que j'apprécie toujours autant.