Bancs publics (Versailles Rive Droite) par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Comme chaque matin, Lucie traverse la région parisienne afin de se rendre à son bureau situé près de la gare de Versailles rive droite. Arrivée à son travail, une banderole apposée à l'une des fenêtre de l'immeuble d'en face l'interpelle vivement. En effet y est inscrit en lettres blanches sur fond noir: "HOMME SEUL". Lucie et ses deux collègues de bureau échafaudent plusieurs thèses, passant d'un homme en recherche d'un "bon plan" à un appel au secours. Les trois copines décident alors de mener rondement une enquête afin de faire connaissance avec cet énigmatique inconnu. Durant l'heure du déjeuner, nos trois "détectives" vont enquêter dans l'immeuble à la banderole et le square des Francines. C'est là que se croisent les gens du quartier, les employés de l'entreprise de Lucie ainsi que ceux de "Brico-Dream", un nouveau magasin de bricolage où officie un personnel de "*bras cassé*s" aussi nul dans la compétence que dans la motivation. L'inconnu à la banderoles sera-t-il identifié à la fin de cette journée cocasse ?


Quel événement! quel choc au sein de cette entreprise, obnubilée par le rendement et les chiffres du bilan, que cette inscription insolite! Il faut dire que Lucie et ses deux copines de service ne se sentent guère concernées par les résultats de l'entreprise. Par contre la vue de cette affiche émoustille leur libido et chacune échafaude dans ses pensées et ses propos le portrait robot d'un homme dévoilant aux yeux de tous sa solitude. La curiosité l'emporte donc sur les tâches professionnelles et le départ en retraite de Solange Renivelle qui doit se fêter le soir même se trouve relégué aux calandres grecques de leurs pensées. Pour nos trois copines, une enquête s'impose au sein même de l'immeuble puis rien de tel qu'un sandwich le midi sur un banc du square d'en face afin de tenter de découvrir l'auteur de cette banderole énigmatique. Dans cet endroit où tous les gens du quartier viennent régulièrement se rafraîchir et vaquer pour certains à leurs passions autour d'un joli bassin, la tâche ne sera pas aisée. Ici chacun a ses habitudes. Certains se prennent à rêver d'horizons lointains en faisant voguer leurs bateaux télécommandés dans le bassin, des flirts se concrétisent, d'autres jouent au backgammon avec comme sujet de conversation leurs problèmes de prostate. Il y a aussi l'ivrogne habitué des lieux, le dragueur impénitent, des mères de familles qui font jouer leur progéniture et bien d'autres personnes attirées par cet espace convivial. Face à ce square des Francines, le magasin "Brico-Dream" vient tout juste d'ouvrir ses portes. Déjà quelques clients viennent fureter et demander conseil à des vendeurs peu motivés et en sureffectif. Les pauvres acheteurs repartent avec du matériel loin d'être adapté à leurs besoins. Dans ce magasin où seul le patron semble être opérationnel rôde peut-être cet homme solitaire... qui sait ? La journée se termine avec son défilé de personnages et un homme risque de ne pas être retrouvé et entendu malgré son moyen de communication original. Et qui seront les gagnants? ceux qui s'apitoient ou ceux qui croient à l'appel d'un pervers?


C'est dans un tourbillon de personnages comme l'on peut en croiser chaque jour que nous entraîne Bruno Podalydès. Et pourtant ce film subtil et original nous trace des portraits où le burlesque flirte avec le réalisme et le rire avec l'émotion. Au travers de cette galerie de photos, au travers des attitudes, des catastrophes, du bonheur qu'un petit rien peut provoquer, on croit percevoir l'influence du grand Jacques Tati. Le sujet est tout simple. La caméra se balade au gré des évènements journaliers d'un bureau chamboulé par la banderole ou dans les dédales d'un magasin de bricolage pour observer les réactions de vendeurs incompétents face à des clients perdus dans ce milieu hostile. C'est également l'exploration d'un square rempli d'habitués où, mine de rien, à chaque instant il se passe un petit évènement. Eh oui, cette plongée dans l'intimité de ce quartier nous scotche malgré sa simplicité. Nous avons tous vécu ces situations sans nous rendre forcément compte de leurs effets. Il est très difficile de faire ressortir une scène en particulier tant celles-ci s'enchaînent à un rythme élevé sans pour autant avoir de rapport entre elles. Une pléiade de grands noms du cinéma français contribue à la qualité de cette œuvre. Chacun apparaît le plus souvent très brièvement mais avec efficacité, sobriété et justesse. De ces grands noms ressortent: Florence Muller dans le rôle de Lucie, la secrétaire bouleversée par la banderole, Josiane Balasko, la retraitée bizarrement fêtée, Denis Podalydès en vendeur incompétent et surmené, les deux joueurs de blackgammon, Claude Rich et Michel Aumont, Elie Semoun, le dragueur impénitent, ainsi qu' Eric Elmosnino, le squatteur éméché des lieux. Les dialogues qui valent leur pesant d'or contribuent à transformer beaucoup de scènes en de petits sketchs très réussis.


Prenez donc le temps de vous asseoir confortablement et d'observer pendant près de deux heures la vie, les habitudes, les réactions de toutes ces personnes. Elles vous charmeront car elles sont criantes de vérité et c'est là le grand mérite de Bruno Podalydès qui une fois de plus nous séduit par l'originalité de son sujet et la justesse de la réalisation.

Créée

le 28 avr. 2014

Modifiée

le 25 juil. 2013

Critique lue 915 fois

27 j'aime

13 commentaires

Critique lue 915 fois

27
13

D'autres avis sur Bancs publics (Versailles Rive Droite)

Bancs publics (Versailles Rive Droite)
Aurea
6

A chacun son banc

Mais que signifie donc cette banderole en lettres blanches sur fond noir, accrochée au 4ème étage d'un immeuble, et qui proclame, de façon plutôt sinistre: "HOMME SEUL" ? C'est ce que se demandent...

le 24 oct. 2011

26 j'aime

8

Du même critique

Amadeus
Grard-Rocher
9

Critique de Amadeus par Gérard Rocher La Fête de l'Art

"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...

176 j'aime

68

Mulholland Drive
Grard-Rocher
9

Critique de Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...

166 j'aime

35

Pierrot le Fou
Grard-Rocher
9

Critique de Pierrot le Fou par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...

156 j'aime

47