Devant la caméra de Pascale Ferran se produit quelque chose qui arrive très souvent dans les films contemplatifs qui tentent de symboliser la vie par des escalators qui montent et qui descendent : le vide. La première demi-heure met du temps à démarrer mais on comprend très vite là où le film veut nous emmener et c'est agréable. La jeune Audrey est une petite fourmi parmi toutes les autres, on assiste au quotidien des gens communs. Le spectateur est plongé, avec un regard assez distant malgré l'intimité partagée avec eux (plans larges, multitude de protagonistes), dans une fourmilière qui pullule de micro-détails qui forment un tout. On fait ensuite connaissance de Gary, qui veut tout plaquer, boulot, femme et enfants pour vivre une nouvelle vie, pour se détacher de sa misère morale et de sa vie superficielle et plus adaptée à ce qu'il est et tenter de trouver un nouveau sens à son existence. Ou un sens, tout court. Audrey et Gary se trouvent dans le même hôtel, l'une y travaillant, l'autre en voyage d'affaires.


Une bonne partie de la seconde moitié du film est dédiée à un moineau, petite touche fantastique très appréciable par ailleurs et très poétique, qui n'est autre que la belle Audrey après s'être transformée. Elle fait le tour du quartier et offre au spectateur un œil nouveau sur le monde et sur ses congénères. La beauté mystique des plans nous ensorcelle durant les dix premières minutes. C'est une bouffée d'oxygène, une idée géniale que de nous faire quitter notre rang pour nous rendre acteur de "Bird people" et contempler ce même quotidien d'une manière beaucoup plus humble et émouvante. Après avoir observé la platitude ou, au contraire, le grand chamboulement des personnages, on accède, comme l'héroïne, à la possibilité de prendre du recul et d'être aux commandes. On est bien peu de choses, et mon amie la rose, me l'a dit ce matin.


Il y a un problème de taille qui, pour moi, anéantit tout espoir quant aux messages principaux du film. Si la liberté est belle, elle l'est encore plus avec un vrai scénario et un récit qui ne focalise pas tout sur l'indicible. L'homme a conscience de pouvoir s'évader mais ne le peut pas, dans la plupart des cas, l'animal (et encore plus l'oiseau) en a la possibilité mais n'a pas la réflexion nécessaire pour en profiter. C'est une très belle idée que de mettre des images sur ce paradoxe si précieux mais c'est d'une part bien trop long et d'autre part, trop ennuyeux car, malgré une réalisation sobre, ça reste du cinéma. J'ai beaucoup plus de sensations encore devant des documentaires animaliers qui apportent au moins autant de questions existentielles et qui produisent, pour ma part, un effet bien plus important sur moi. Lorsque le contact s'établit entre l'oiseau et l'homme, Pascale Ferran touche du doigt l'indescriptible et on sourit beaucoup, de tendresse, mais il y a trop de longueurs et un manque de rythme proche de la catastrophe à certains moments. C'est dommage d'avoir autant de sensibilité et de la mettre au service d'une production bien en-dessous de ses propres ambitions. Le film est un nid à clichés, comme cet hôtel, simple lieu de passage, l'aéroport et les avions qui décollent dans des multitudes d'endroits, les oiseaux qui s'envolent, tout est prétexte à symboliser l'évasion et ça en devient, à trop vouloir en faire, très maladroit. On se dit par endroits : c'est bon, ça y est, je crois que j'ai bien pigé la métaphore, là.


C'est très moyen, à défaut d'être un mauvais film c'est une fable décevante, irrégulière et parfois même un peu ampoulée. Malgré les bonnes prestations de Anaïs Demoustier et Josh Charles, Bird People manque cruellement de chair et de légèreté. La beauté pour la beauté ne m'attire pas, la mettre en scène est extrêmement périlleux car à double-tranchant et ici, le contrat n'est pas rempli. J'ai eu l'impression de voir la scène du sac plastique de American Beauty sans la musique étalée sur deux heures. D'ailleurs, ce sac voyage beaucoup, puisqu'il se retrouve également dans Bird People...

EvyNadler

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