On a tout lu et tout entendu sur Alejandro González: prétentieux, adepte de la coquille vide, paraîtrait même qu'il est ignare et tout, sauf qu'en découvrant "Birdman", je ne puis admettre l'idée selon laquelle le scénario du film pèse moins de 21 grammes, certains ici et ailleurs vivent vraiment des amours chiennes avec le mexicain; mexicain qui à l'image de son compadre Cuarón, maîtrise sa caméra à la perfection, et le démontre - de manière lourde et appuyée diront les plus sceptiques - en proposant deux heures d'un faux plan-séquence (quelques cuts ici et là, généralement discrets), véritable leçon de placement de caméra et de montage, nous permettant de suivre un Riggan Thomson blasé, cynique et troublé psychologiquement - ou pas, accompagné d'Edward Norton, qui aura rarement été aussi bon, et d'une distribution de haute tenue se répartissant nombre de dialogues exquis de drôlerie, le tout n'éclipsant jamais le solaire et nonobstant bougon Thomson: le film aurait d'ailleurs très bien pu s'appeler "Amer Riggan History X", ou encore "The Bird of a Nation", tant Michael Keaton bouffe l'écran de sa présence, bec et ongles, affublé de son alter ego costumé...


Alejandro propose une subtile mise en abyme du cinéma sous toutes ses formes, ainsi qu'un élégant jeu de miroirs entre la vie de l'ancien interprète de Batman, et cet ersatz de super héros, au point de questionner le spectateur sur ses attentes, sur la place qu'il accorde à un acteur, sur l'héritage culturel et artistique de ce dernier par le recours à un habile dosage entre premier et second degré: en effet, "Birdman" propose aussi bien une critique acerbe qu'une apologie du cinéma de divertissement, même si le tout manque parfois de nuance, voir la critique "binaire" du New York Times, la bête et méchante Tabitha, campée par Lindsay "Servilia" Duncan en mode tout blanc ou tout noir...question de teintes, qui m'amène à la photographie, juste sublime, et nous permet de profiter de moments surréalistes (j'aime particulièrement l'échappée dans Times Square), une musique aux tons jazzy (pas le rappeur) complétant le tableau enchanteur, pour peu que l'on adhère à la séquence, faute de quoi on se retrouve en plan devant cette expérience cinématographique atypique, à mille lieues du cinéma à Oscars traditionnel - en effet le spectateur a rarement l'occasion de se délecter de la présence d'un héros aussi opaque, étincelant, taciturne, incandescent, aquilin immortel: une flamme éternelle, un Mystère Oiseau.

Gothic
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le 4 mars 2015

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