Les chaussons rouges du Perfect Black Swan Blue.

4 golden Globes, 1 Oscar, des critiques dithyrambiques et un beau succès au Box Office plus tard, je me suis enfin décidé à aller voir le dernier film de Darren Aronofsky.

Malheureusement pour moi, l'expérience sensitive de cinéma à laquelle je m'attendais n'a pas eu lieu et même, par certains de ses aspects, m'aura plutôt agacée. Bien conscient qu'en ces quelques termes je plonge les adorateurs du dernier film d'Aronofsky « dans des abimes d'incompréhension », je vais tout de même continuer sur ma lancée et vous expliquer pourquoi je trouve que Black Swan ne casse pas 3 pattes à un canard .... Enfin j'veux dire à un cygne.

Pour commencer, je n'entrerai pas dans le débat qui consiste à dire que les effets et le traitement de la folie dans Black Swan se rapprochent énormément du superbe Perfect Blue de Satoshi Kohn (auquel Aronofsky avait déjà rendu hommage dans son dérangeant Requiem For A Dream non sans lâcher quelques dollars pour en acquérir les droits). Non je n'entrerai pas dans ce débat parce que je ne vois pas pourquoi cela me dérangerait de voir un réalisateur rende hommage - par des clins d'œil, des emprunts ou même de l'adaptation - à une œuvre et un réalisateur qui lui sont chers.
Non donc, je n'entrerai pas dans ce débat car je sais bien qu'au final, je serais obligé de souligner à quel point Aronofsky nous prend pour des cons, manque de respect envers le regretté Satoshin Kohn ou même envers son spectateur par le culot dont il fait preuve en interview !

Tinsel & Tine: Was the film Perfect Blue an inspiration for this film?
Darren Aronofsky: Not really, there are similarities between the films, but it wasn't influenced by it.

Vas-y Darren, sur un malentendu, ça peut le faire.

Mais au-delà des influences - enfin j'veux dire des similitudes - avec Perfect Blue, ce qui me pose vraiment un problème avec Black Swan, c'est sa mise en scène « Cinéma Vérité » (à prononcer avec l'accent Américain pour faire Hype).

Mais le « Cinéma Vérité » c'est quoi au juste ?

Déjà, c'est pour faire comme dans la vérité (sinon ça s'appellerait du cinéma tout court). C'est un peu comme si tu prenais la caméra 16mm de pépé et que tu décidais à filmer une danseuse étoile dans sa vraie vie en la suivant partout comme une tique au cul d'un Cygne. Pour te donner un exemple, le « Cinéma Vérité » pour Black Swan, c'est un peu le même que celui de The Wrestler. Une caméra à l'épaule qui capte la sueur, le sang, l'effort et la respiration des acteurs. Le « Cinéma Vérité » est synonyme de proximité, de caméra qui ballotte tout le temps, d'image granuleuse et de gros plans ... bref, c'est de la presque vérité presque filmée comme du Cinéma : C'est du Cinéma Vérité ! Ou presque ..

Bon le problème c'est qu'avec ce genre de mise en scène, ça marche mieux quand tu veux filmer du « vrai ». Dès lors que dans ce « vrai », le fantastique s'invite, y'a comme qui dirait un contraste qui moi, me gêne beaucoup.

Aronofsky lui-même avoue avoir longtemps hésité avant d'arrêter son choix sur ce style de mise en scène. Il avait peur que sa caméra à l'épaule « nuise au suspens » et ma foi, il n'avait pas tort sur ce point. Aussi, quand il abandonne sa caméra vérité pour faire du cinéma tout court, le film se révèle beaucoup plus intéressant (bien que parfois très lourd mais ça, on y reviendra). Par l'utilisation d'une grammaire plus cinématographique donc, Aronofsky arrive à angoisser, à effrayer voire même à horrifier et à surprendre (la scène avec Winona Ryder dans l'hôpital par exemple). Mais ce mélange de style se contredit trop souvent et, in fine, nuit au fragile équilibre réalisme/fantastique au cœur du métrage (à force d'effets fantastiques pompeux et redondants surgissant dans son cinéma vérité, c'est le doute et la surprise qui disparaissent).

Pour être plus clair (enfin je vais essayer), disons que le fantastique dans Black Swan sera toujours traité comme un élément dramatique classique, sans aucune intensité supplémentaire. Moi je n'ai rien contre le fait de convoquer le fantastique ou même l'horreur dans un métrage qui traite de la schizophrénie, pour autant, je trouve qu'il est du devoir du réalisateur de gérer ces incursions dans le fantastique de la façon la plus subtile possible. Il est impératif d'en mesurer l'impact sur le récit et sa dramaturgie, il est vital de maintenir la capacité du spectateur à douter de ce qu'il voit à l'image, il est primordial de créer un crescendo dramatique et tout ceci dans un seul et unique but : Surprendre et Emouvoir. Ici, Aronofsky convoque le fantastique et la schizophrénie dès le début de son film (toutes les visions de Nina), de ce fait, il ne laisse aucun autre choix au spectateur que celui d'ancrer les évènements étranges dans le fantastique. Plus aucun doute ne sera possible : Nina a un problème, elle est Schizo et tout ce qui va nous sembler étrange sera par conséquent inévitablement irréel et engendré par la Schizophrénie du personnage principal. Pour l'implication du spectateur dans le film, pour son empathie envers le personnage, il va falloir repasser Darren parce que là ça fait 20 minutes que tout le monde se cogne de savoir ce qu'il va arriver à ton Cygne Blanc.

Et comme si tout n'était pas assez clair encore, Aronofsky choisit la lourdeur symbolique pour appuyer la métaphore au cœur de son récit. Très vite, le film offre un festival de design incroyablement basique et sans aucune nuance ni réelle recherche. Tout, absolument tout le symbolisme du récit nous sera toujours copieusement surligné en Noir et en Blanc (Nina la fragile s'habille en blanc, Lily sa rivale dévergondée s'habille de noir, pour souligner l'ambivalence du directeur du Ballet, quoi de mieux que de meubler son appart en Noir et Blanc voire même de pousser le détail jusqu'à faire trôner un tableau du test de Rorschach sur sa cheminée.).

Plus agaçant encore sera la façon dont Aronofsky fera révéler les tenants et les aboutissants de son récit par ses propres protagonistes, au cours de longues séquences riches en Spoiler ou dans d'autres apparaissant comme de délicats Post-It adressés au spectateur.
Le vicelard Thomas Leroy (Vincent Cassel), était-il ainsi obligé de nous expliquer, dans le moindre détail, le parcours et le destin (la mort) du cygne Blanc dans sa nouvelle vision du Lac des Cygnes de Tchaïkovski ? Nina était-elle obligée de nous rafraichir la mémoire dans cette boîte de nuit en tentant d'expliquer ce que raconte Le Lac des Cygnes à un mec bourré ? Les personnages secondaires sont-ils à ce point obligés de nous donner leurs explications sur des évènements dont on avait depuis longtemps saisi l'aspect fantasmagorique (Naaaan mais attends Nina, j'étais pas avec toi cette nuit c'est dans ta tête lol kikoo ptdr) ?
Et puis putain de merde ! Pourquoi nous faire croire à des trucs en nous la jouant suspens alors qu'on sait pertinemment que tout ceci ne se passe que dans sa tête (Oh mon Dieu je l'ai ... je me suis ... je l'ai tuée. Vite cachons là dans la salle de bain - Ah ben non en fait t'es là toi ?) ???????

Tout ce qui nous est montré, dit et rabâché ici et là n'aura malheureusement jamais vocation à semer des indices ou à donner des clés pour décoder une intrigue complexe. Black Swan n'a rien de complexe. Tout ce qu'Aronofsky nous montre est tellement surligné, pré maché, balisé et même parfois grossier que cela en devient presque insultant (il suffit de voir comment le final est envoyé par-dessus la jambe pour s'en convaincre).

Et puis à tenir le spectateur par la main en lui balançant de la bonne symbolique binaire, ce sont la caricature et l'humour involontaire qui s'invitent dans Black Swan. Comme cette séquence où Nina se laisse aller aux plaisirs solitaires avant de se rendre compte que sa mère dort à côté d'elle (la révélation de la mère affalée dans le canapé m'a bien fait rire moi), ou encore dans cette scène où Nina « passe à l'âge adulte » en jetant tous ses nounours dans le vide ordure. (C'est pas symbolique tout plein ça, le coup des nounours dans le vide ordure ?) sans oublier la scène mémorable ou un papy fait des gestes obscènes à Nina dans le métro ou encore celle où les jambes de Nina se transforment en pattes de cygnes ou encore quand ses pieds deviennent palmés ... Aaaaaah, qu'il est bon de rire parfois.

Pour terminer, je pourrais continuer à dire plein de mal de Black Swan. Je pourrais par exemple dire que la musique de Clint Mansell n'est rien d'autre qu'un remix sans ampleur de la partition composée par Tchaïkovski, ou encore m'insurger sur le fait que la vidéo promotionnelle sur les effets spéciaux de Black Swan a été honteusement censurée la veille des Oscars parce qu'elle dévoilait des trucages numériques pouvant nuire à la nomination de Natalie Portman (oui parce que des fois, c'est pas Portman qui danse – comme ce n'était déjà pas Kate Blanchett dans Benjamin Button ... et puis ?), ou mieux, je pourrais faire la mauvaise langue et dire que oui voilà, c'est pas parce que t'as subi un entrainement draconien pour interpréter une danseuse étoile, que t'as perdu des kilos et que tu fais la moue triste pendant 90% du film que tu mérites l'Oscar hein ...

Je pourrais dire tout ça, mais ce serait uniquement parce que j'ai pas vraiment apprécié Black Swan.
David_Bergeyron
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le 21 mars 2011

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