Au travers d’un globe sibyllin, des flammes déchirent l’obscurité. D’immenses pyramides hébergent les nouveaux dieux. Mais bientôt, les anges déchus voudront rencontrer leur créateur. Alors viendra l’Apocalypse.


Fiery the angels fell. Deep thunder rolled around their shoulders... burning with the fires of Orc.


Cela fait 82 jours que j’ai (re)découvert Blade Runner dans les salles obscures. Cela fait 82 jours que Blade Runner me hante, et me hantera je pense à jamais.


Ridley Scott a récemment dit sans aucune modestie qu’il avait réalisé les troisième et quatrième meilleurs films de science-fiction de tous les temps. Et bien Ridley, je suis plutôt d’accord. On peut bien te laisser ça, au vu que tout ce que tu as «  commis » par la suite. Car, à l’exception de rares émergences, ta plongée dans les abîmes des années 80 et 90 n’est clairement pas à la hauteur de ton triplé gagnant de début de carrière.


Dieu sait que je vénère Alien, j’ai aimé ce film dès la première minute. Pour Blade Runner, au contraire, cela m’a pris plus de temps. Le premier visionnage a été difficile.


Et bien sûr, je ne suis jamais autant passé à côté d’une oeuvre.


Peu de films ont la portée de Blade Runner. J’entends par là que peu de films peuvent se targuer d’avoir autant d’impact sur un spectateur. Car Blade Runner joue la perfection sur tout les tableaux.


La forme est parfaite. Les décors sont absolument époustouflants (je ne dis pas « pour l’époque », car je les préfère amplement aux orgies numériques de plus en plus fréquentes). Par un subtil jeu dans les variations de décors, Ridley Scott crée, avec relativement peu de moyens, un des univers de science-fiction les plus crédibles de l’histoire du cinéma. Digne héritière de Metropolis, la ville de Blade Runner est encore plus sombre, crasseuse, torturée et surtout d’une force évocative décuplée par son réalisme.


La façon de filmer l’architecture est déconcertante de génie. Les plans généraux de la ville, dont les envolées électroniques donnent toute leur ampleur, font partie des images qui ne s’oublient pas. La bande originale de Vangelis est en effet de très grande facture, et constitue peut-être même son oeuvre la plus aboutie.


L’image, notamment dans la version remastérisée, est d’une qualité incroyable, le film donnant l’impression d’avoir été réalisé ces dix dernières années. « De l’obscurité naîtra la lumière »: le travail réalisé sur les éclairages, notamment à l’intérieur de l’appartement de Deckard est d’un prodigieuse subtilité. Ridley Scott place l’image au centre de son oeuvre, héritage sans doute de son passage dans la publicité, ou plus certainement de sa formation artistique. La ville est un personnage à part entière. On retrouvera d’ailleurs cette façon de faire dans plusieurs films par la suite.


La direction d’acteurs est - surprenamment - de qualité. Qu’on se le dise, Ridley Scott est en général plus un « faiseur » qu’un directeur d’acteurs. Harrison Ford, n’étant pas réputé pour la finesse de son jeu est ici tout en retenue, et dans une interprétation d’une justesse incroyable. Les seconds rôles font tous du bon boulot. Impossible de ne pas parler de la performance de Rutger Hauer qui, loin du simple méchant-wagnérien-blond-peroxydé, comme le raillait un spectateur en fin de séance, transcende le film de bout en bout. (je frissonne tout à coup en repensant à sa tirade improvisée de fin…)


Le propos, s’il n’est pas limpide est tout de même très accessible. Le film questionne l’humain et le divin, nos origines et notre futur, notre naissance et notre mort. D’où venons nous? Qui sommes nous? Où allons nous? Il n’y répond pas mais donne à chacun les clefs pour y répondre. Le pessimisme du film lui donne une ampleur et une force rarement atteintes au cinéma. Le visionnage de la Director’s Cut est ainsi fortement recommandé, ne serait-ce que pour la fin - hautement - supérieure à celle choisie par les producteurs de l’époque. Paradoxalement, c’est sans doute ce pessimisme qui, comme pour The Thing, a contribué à l’échec relatif du film sur le sol américain (Blade Runner dépassera tout de même les 2 millions d’entrées en France!), le public américain n’étant pas près à cette époque pour de telles oeuvres, leur préférant au contraire E.T. qui battra d’ailleurs tous les records au box-office cette même année.


Blade Runner est sans aucun doute une pièce angulaire du cinéma de science-fiction. Si son héritage a marqué de manière directe le cinéma des années 90 (Le Cinquième Element, Dark City) avec plus ou moins de succès, Blade Runner a surtout changé à jamais l’image de la ville du futur dans la culture populaire.


Comprenez alors l’angoisse chronique qui me frappe à chaque fois que je me pense à la suite prévue pour 2018. Denis Villeneuve est un réalisateur compétent, Incendies ou Prisoners ayant pour moi de grandes qualités. Cependant, je ne vois absolument pas comment il serait possible de faire évoluer la trame narrative avec la présence du personnage de Deckard, sans expliciter son statut et sans amoindrir l’impact de la fin du film original. Et le fait que Ridley s’évertue à piller sans talent les reliques fumantes de ses chefs-d’oeuvre passés (cf. Prometheus), à l’instar d’un Harrison Ford qui reprend chacun de ses rôles mythiques pour les défigurer un à un, ne me rassure aucunement.

Colorado
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le 19 avr. 2016

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Colorado

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