Edit (h Piaf) : tout ce que je dis en-dessous reste vrai, seulement les défauts du film me reviennent bien plus en mémoire que les qualités que je lui avait trouvées...
Problème de rythme, petit côté moralisateur et pervers...
Du coup je descends à 7.

L'annonce d'une future collaboration entre Jamel Debbouze et le réalisateur du très bon Cité de Dieu et de l'excellentissime Constant Gardener, Fernando Meirelles. Voilà ce qui m'attendait hier après-midi dans Version Fémina (on a les lectures qu'on mérite). Psychologiquement non-préparé, physiquement occupé à manger une tarte au pomme, j'étais un homme brisé. Laminé par la vie. Je pris conscience du temps qui passe, je découvris avec effroi que Meirelles ne fera pas toujours de bons films. Égale sans Jamel Debbouze. Alors je sautais le pas ; ce Blindness qui me faisait de l'œil depuis belle lurette, se retrouvait, par intervention quasi divine, sur mon disque dur. Et par disque dur, je veux dire sur ma TV. Et par sur ma TV, je veux dire devant mes yeux. Et par tout ça je veux dire que je viens de le mater. Et ouais mon pote, un badge "loquace", ça s'entretient.

Bref, petit coup d'œil sur le synopsis. Adaptation d'un roman de José Saramago, unique vainqueur du prix Nobel de littérature de langue lusophone. Comme quoi, les poils, le bacalhau et les bons livres, c'est pas complètement incompatibles. Putain d'espace Schengen. Le projet est en cours depuis 1995, date de sortie du bouquin, et aurait pu être le coup d'essai de Meirelles au cinéma si José n'avait pas bloqué la machine. 12 ans plus tard, des personnages anonymes dans une ville sans nom deviennent tous aveugles devant l'exquise caméra du réalisateur. Brasil : 1 - Portugal : 0. Droits d'auteur über alles.

Présenté en ouverture du festival de Cannes 2008, le film en repart pourtant bredouille. Avec Sean Penn, Portman et Cuaron dans le jury, ça fait mal. Entre les murs indahouse. Alors évidemment, on peut lui reprocher tout ce qu'on veut, son propos moralisateur, sa lenteur, sa prévisibilité, l'ostensibilité de la mise en scène. Des débiles y ont même vus un film anti-aveugles : là, il fallait quand meme en vouloir.
Mais Meirelles nous fait du Meirelles, et ça marche toujours aussi bien : virtuose de la mise en scène doublé d'un créateur d'ambiances hors pair, le réalisateur brésilien part encore une fois d'un livre pour livrer son troisième film. Il délaisse ici la construction en ellipses et aller-et-retours narratifs utilisée dans The constant Gardener et surtout dans La Cité de Dieu, et filme une histoire linéaire, d'un point A vers un point B, sans escale. Fidèle à des thèmes qu'on commence à lui connaître, à savoir la violence, la misère (les deux allant souvent de pair), la transformation d'un personnage lisse en un être complexe, le couple, etc..., Meirelles raconte donc un récit de fin du monde, où une ville entière, et possiblement la Terre, devient aveugle. Une planète de Gilbert(s) Montagné(s).

Son film est beau, très beau. Une photo très radicale dans ses couleurs, du blanc irradiant au noir crépusculaire, voire un gris pénitentiaire ; une mise en scène moins MTVesque que lors de ses précédents essais, qui recherche le décalage : des visages à moitié hors-cadre, des corps qui se confondent, des voix qui s'évanouissent, une dizaine de secondes d'écran noir... Le bruit revêt une importance capitale dans l'image. Et loin de moi l'idée de vous balancer la punchline "Blindness, dans la peau d'un aveugle. Aussi en 3D", mais le moyen est intéressant est l'objectif atteint, alors je souligne. Prends ça, James Cameron. Quant à la BO, elle se fait rare en début de film puis s'invite de temps en temps, à l'occasion des premières scènes oniriques du film, avant de se densifier sur la fin des deux heures et de ne plus quitter la bobine. Compo dominée par le piano et illuminée par des airs d'un autre temps, comme des échappatoires à l'époque moderne, comme un rappel à des époques plus heureuses. Du Meirelles dans le texte.

Son film est aussi très obsessionnel, avec de nombreuses allusions aux yeux, aux cannes d'aveugle, à la la solitude, à un environnement perçu partiellement et donc hostile... Different way, same goal : retranscrire à l'écran ce qu'on ne peut pas voir, uniquement percevoir. La lumière blanche, immaculée, dont souffrent les personnages.
Personnages malheureusement assez unilatéraux en majorité, exception faite de Julianne Moore, qui porte le film sur ses épaules, au cas-où il en aurait eu besoin. Les autres acteurs sont bons mais n'ont qu'une facette à livrer ; celle du fou pour Bernal, du perdu pour Ruffalo, du sage pour Glover. Et de la très jolie fille pour Alice Braga. Très très jolie.

Toutes les bonnes choses ont une fin, cette critique aussi. No relation. Encore une fois, le talent de Meirelles éclipse tout ce qui cloche dans son film, y compris un scénario très évasif et plutôt classique, mis à part le postulat de base. Les rues désertes post-apocalyptiques, un entrepôt désaffecté transformé en prison sordide, une maison de la classe moyenne qui devient une terre promise... Meirelles maîtrise tous les lieux comme si il filmait son jardin, propose des plans d'une demi-secondes à la beauté parfois perverse, parfois naïve, toujours parlante. Il rôde près de ces corps qui ne se perçoivent pas sans jamais les percuter, il distille toutes les lumières, et surtout the white one, celle qui frappe tout le monde. Y compris moi. Y compris vous ?

lucasstagnette
7
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le 8 août 2011

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Lucas Stagnette

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