A la recherche d’un petit frisson coréen, je suis tombée sur Bedevilled. Titre anglophone d’ailleurs assez laid qui nous présente le film comme un film d’horreur lambda, tout comme le complément de titre en France : Blood Island (bouuuh ! et je ne parle même pas de l'affiche). Donc, je ne savais pas trop sur quoi j’allais poser les yeux en entamant Kim Bok-nam Salinsageonui Jeonmal. J’ai alors suivi, sans me poser de questions, la fuite de Séoul de Hae-won qui va se réfugier sur une île campagnarde où elle venait rendre visite à son grand-père étant enfant. Elle y retrouve ainsi son amie d’enfance Bok-nam. Tout d’abord, on plonge dans la vie de ses êtres isolés, brunis par le soleil et le labeur. Ce qui est frappant ici ce n’est pas tant le décalage ville/champs qui est dépeint, mais la sensation que nous fait ressentir la vision de Hae-won sur la vie paysanne et misérable de son amie. Comme cette sorte de dégoût dédaigneux ou par le biais de ses questions que tout bon citadin se pose: pourquoi vivent-t-ils ainsi ? Pourquoi accepter tout cela ? Tout en oubliant que parfois les gens n’ont pas vraiment le choix…


Le pied à terre et les nerfs accrochés, ce sont les malheurs de Bok-nam qui nous sont jetés en pleine figure. Conditions terribles d’une vie de femme dans un monde où l’homme représente la fierté et la force pour tous. « Que deviendrions-nous sans nos hommes » répètent à tout va les vieilles femmes du villages qui sont pourtant supérieures en nombre. Paroles qui excusent de fait tout à ces bonhommes avilis par leur perversité et leur sadisme. Toute brimade ou maltraitance devient ainsi normale et sans conséquences, à part pour la victime. Pourtant non violente de nature (enfin, je crois), j’aurais moi-même étripé tout ce petit monde… Le malaise nous gagne peu à peu, témoins muets que nous sommes, à l’instar de cet autre témoin, Hae-won, toujours fuyant ce que ses yeux s’emploient à lui montrer.


Au milieu de cette campagne tranquille, sous l’éclairage intelligent d’une réalisation impeccable, le sang devait couler. Il est vrai que la dernière partie du film s’enfonce dans le gore dégoulinant, mais c’est presque aussi une délivrance (j’ai quand même détourné les yeux à certains moments :)). Un revenge movie des plus tristes qui nous rappelle les bas instincts de l’Homme (individualisme, jalousie, survie, loi du plus fort, lâcheté, vengeance…). Un film de genre troublant qui brosse le portrait d’une mini-société malsaine et qui nous confronte, nous spectateurs, aux destins tragiques de ses protagonistes.


N’oubliez-pas de respirer un bon coup avant de vous mettre devant ce drame horrifique, certes exagéré, de Jang Chul-soo, qui est porté par deux belles actrices : Ji Sung-Won toute en finesse et discrétion, et Seo Yeong-Hee qui nous remue les tripes.


Et puis, efforçons-nous de ne pas être des témoins muets.

Lilange
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le 16 sept. 2016

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