Dans le sillage sombre d'une Amérique blanche en crise, tel qu'en était gorgé le puissant Winter's Bone, Blue Valentine se classait d'office dans une tendance cinématographique qui souffre de rudes comparatifs. Archétypes des working poor Blancs, qui n'ont pour seules possessions qu'une baraque de planches et un pick-up abîmé, Dean et Cindy mènent une existence de bouts de chandelles au bord d'une route suburbaine. La mort de leur chienne au début du film, dont Cindy est tenue pour responsable, enclenche par effet domino la remise en cause de toute leur relation.

Par des analepses successives, le film relate en fait une histoire de désamour à deux visages. D'un côté se déroule, à mesure de sauts dans le temps, celle de la création d'une cellule familiale au seuil des études supérieures. La passion initiale se retrouve, peu à peu, pétrifiée dans la paternité à laquelle ces amants se trouvent plus ou moins forcés. Parallèlement, au coeur du présent de ces personnages, se dessine donc l'autre face du récit, celle de la destruction des illusions. Piégés dans une réalité précaire, Dean et Cindy se raccrochent tant bien que mal à ces réminiscences ; et se refusent, jusqu'au bout, à regarder en face cette fièvre amoureuse révolue.

Emporté par l'interprétation magistrale de Michelle Williams aux côtés d'un Ryan Gosling convaincant en père idéaliste, le portrait du couple parvient à toucher juste sans tomber dans la démonstration. Derek Cianfrance en décante le pathétique pour n'en conserver que l'essence, et ressource l'émotion dans ces allers-retours heureux qui ont un jour construit les espoirs des amants. Par une photographie épurée mais sensible, il transforme cette relation anodine en un véritable conte de la désaffection. Bien qu'il sous-exploite ses rôles secondaires et déroute parfois dans sa forme, ce premier film distribué en France promet une maturation intéressante, ne serait-ce que pour renouveler un cinéma romantique encore lisse et souvent contrefait.
goldie
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le 16 juin 2011

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