Bullhead c’est Jacky, et c’est peu dire que son prénom est approprié.
éleveur bovin au fin fond de la Belgique, baraqué comme un taureau, aimable comme une porte de prison, un regard de psychopathe non franchement il ne vend pas du rêve Jacky l’embrouille..
On le découvre en train de se doper aux hormones, histoire sans doute de parfaire son physique de bête de compétition.
De beauf à bœuf il n’y a qu’une lettre, et on voit mal comment notre belle bête de Jacky pourrait remonter dans notre estime…


Et pourtant ça fait 2 jours que j’ai vu le film et j’ai l’impression de passer ma journée à penser à Jacky, alors on se demande bien par quel miracle.


Surtout que tout y est glauque: l’élevage bovin au fin fond de la Belgique ça ne vend pas du rêve, la mafia locale et son réseau de trafic de produits en tous genres, c’est pas forcément ce qui va arranger les choses, les conflits wallons/flamands, c’est gentil mais on ne vient pas pour ça non plus.


Par contre l’assemblage de ces éléments donne un milieux cohérent et malsain dans lequel notre Jacky traine sa carcasse, sa violence et son manque d’éloquence.
L’uppercut vient d’un flashback (que je ne vous spoilerai pas), on découvre l’enfance de Jacky, et surtout le jour J, pas celui de Louane, non (toujours glisser une référence actuelle), celui de Jacky, celui où il a perdu pied avec sa vie, celui qui nous fait comprendre.
On sort de là le sang à la bouche, et on ne regarde plus Jacky de la même façon.
On l’avait pris de haut, catalogué comme le beauf de service (alors que nous on est mieux que ça forcément - oubliant vite qu’on est toujours de le beauf de quelqu’un - et ça nous arrange bien).


En quelques secondes on a envie de le prendre dans nos bras ce gros bébé, et en même temps s’il était face à nous on ne le ferait probablement pas, de peur qu’il nous broie, ou de peur de le blesser encore plus.
Jacky devient le centre de tout, et le reste n’est qu’un décor pour jouer son drame à lui.
Un drame qu’il traine jusqu’au bout, sans rien nous épargner, et c’est aussi pour ça qu’il reste à nos côté bien après le film.


Dans tout ça faut-il préciser en plus l’excellent jeu des acteurs? Matthias Schonaerts en tête (de bœuf forcément): impressionnant par sa carrure, sa présence, son magnétisme, et terrifiant avec son regard qui crie la souffrance et la maladresse d’un grand inadapté. Regardez des photos de sa gueule d’ange avant de regarder le film, vous aurez du mal à penser que c’est le même type.


Il porte le film sur ces grosses épaules, mais il faut reconnaitre que le film le soutien bien aussi: tout est travaillé pour qu’on sente la boue sous nos pieds, le cambouis du garage, les magouilles verreuses; même le passage à la parfumerie nous laisse avec une overdose d’odeurs, de parfums trop forts.


Bullhead est un film complet: même si tout y est laid, et qu’on a du mal à y adhérer au départ, on a également du mal à s’en défaire, comme une odeur persistante. Preuve de la force du film, il n’est pas de ces histoires qu’on oublie en éteignant l’écran et nous marque pour un petit moment..

iori
9
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le 14 mai 2015

Critique lue 361 fois

iori

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