Comme il est amusant de constater que Bullitt est resté et restera à tout jamais dans la postérité pour ce qui me semble être l'élément le moins intéressant du film, maintenant que je le revois plus de quarante ans après sa sortie.

Ce qui fait sa force (et ce point avait déjà été soulevé à l'époque) c'est en fait le contraire même de l'essence de sa scène de poursuite célèbre: c'est une certaine lenteur, un aspect réaliste, une absence de rebondissement qui en font un polar noir et tendu.

Ce rythme, on le retrouve dans le personnage de Bullitt, qui passe d'une personnalité souriante et détendu quand il n'est pas au travail (voir ces réactions avec le serveur au restaurant ou dans les couloirs de l'hôpital) a un visage fermé et pro quand il est sur son enquête.
Une dichotomie que lui reprochera assez rapidement une Cathy (Jacqueline Bisset) au rôle finalement assez anecdotique.
Jusqu'à la fin, l'absence de réaction de Bullitt face à Chalmers (Vaughn, parfait) est savoureuse tant on sent une forme de fureur froide rentrée (on ne piétine pas son enquête qu'il conduira jusqu'au bout, où qu'elle puisse le mener).
Également, les relations de pouvoirs sont savamment distillées et s'éloignent du cliché habituellement servi (qu'on retrouvera par exemple chez l'inspecteur Harry dans un contexte fort semblable) tout en empruntant les codes. Le supérieur, l'homme politique ont leur rôle et leur motivations sans que cela ne soit manichéen ou lourdingue. Tout détestable que puisse-t-être Chalmers, il s'en tient à une ligne de conduite compréhensible, acceptable et fixe.
Pour le reste, le cahier des charges du "hype devenu classique" est superbement rempli, de Robert Duvall en conducteur de taxi (quel luxe !) à la B.O. impeccable de môôôssieur Lalo Schiffrin.

Le retournement de situation final est aussi sobre que bienvenu et tout, tout le long du film, transpire le possible, jusque dans son manque de péripéties.
D'ailleurs, en j'en reviens à la fameuse poursuite, même les moments "speeds" sont eux aussi emprunts d'un certain réalisme. Si ce n'est une coccinelle verte doublée quatre fois, cette séquence célèbre motorisée est dépourvue de chute de trois étages ou autre cascade improbable dont le cinéma riquain nous abreuve depuis bientôt trente ans. Et en ce sens, finalement, même cette poursuite sent le old school dans ce qu'il a de délectable et savoureux.

A moins que ça vienne de moi. Je suis peut-être devenu un vieux con.
guyness
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le 28 juil. 2011

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guyness

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