Alors qu'il passe les années 1950 à être assistant-réalisateur (et réalisateur principal pour Bonjour Sourire suite au désistement de Robert Dhéry, mais il le reniera logiquement par la suite), Claude Sautet met en scène son premier vrai film en 1960 avec Classe tous risques, dont il est aussi l'un des scénaristes.


Ici, il adapte le roman de José Giovanni et s'intéresse à Abel Davos, gangster recherché en France qui s'est réfugié en Italie avant d'être obligé de revenir clandestinement à Nice. L'introduction est plutôt trompeuse tant Classe tous risques commence à cent à l'heure avec hold-up, courses-poursuites et fusillades, avant que Sautet, en prenant son temps, ne s'intéresse vraiment à ce gangster qui va vivre de nombreuses désillusions lorsqu'il fuira puis tentera de retrouver ses anciens amis.


Finalement, toute la force du film est là, dans la façon dont Sautet va doucement construire son récit pour dresser un portrait humaniste et naturaliste de cet homme. L'histoire passe en arrière-plan et sert surtout à mettre en avant les dilemmes et la chute d'Abel, où amitié, éducation, trahison et mort seront régulièrement présents. Sautet n'idéalise pas le milieu du crime organisé mais s'y intéresse comme il le ferait pour n'importe quelle profession, abordant surtout la vie, les responsabilités, les choix et la quête de s'en sortir indemne, tout en essayant de protéger ceux que l'on aime. Cette approche passe bien évidemment par des personnages très bien écrits et mis en scène, notamment un formidable Lino Ventura auquel chacun des gestes et regards est d'une haute importance et en dit bien plus que n'importe quel mot. Accompagné d'un jeune et sensible Belmondo dont l'amour pour la belle Sandra Milo mais surtout son insouciance marque une rupture avec Abel bien qu'ils finiront par considérablement se rapprocher.


Claude Sautet met en place une ambiance assez lourde, crépusculaire et fataliste mais totalement prenante, sublimée par une belle photographie en noir et blanc et rappelant un peu certains Melville, justifiant pleinement son parti pris de peu miser sur l'action. Il dresse un portrait sensible de ces deux gangsters auxquels on va s'attacher, permettant d'en faire ressortir toute la dimension humaniste mais aussi, et surtout, l'émotion. Il se montre toujours sobre et élégant derrière la caméra, sachant bien retranscrire toute la richesse, la puissance et la dramaturgie de son récit, tout en mettant bien en avant les dilemmes et la fragilité des personnages, donnant ainsi une grande ampleur à son oeuvre.


Dès son premier véritable film, Claude Sautet dévoile tout son talent avec cette oeuvre sombre et sensible, dont le traitement humaniste en fait ressortir toute l'émotion et la richesse, le tout emmené par deux acteurs qui montrent, à nouveau, à quel point ils étaient immenses.

Créée

le 26 sept. 2015

Critique lue 1.8K fois

33 j'aime

9 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

33
9

D'autres avis sur Classe tous risques

Classe tous risques
Sergent_Pepper
7

Premier pas dans la mafia

Les débuts de Sautet le voient s’essayer au genre en vogue à l’époque, le film noir, et avec un talent certain. Réunir Lino Ventura et le tout jeune Belmondo est déjà en soi une réussite, et c’est...

le 2 déc. 2015

29 j'aime

8

Classe tous risques
Alligator
9

Critique de Classe tous risques par Alligator

Magnifique film de Sautet. Comme toujours ce sont les personnages et les relations qu'ils tissent qui sont au centre des préoccupations du cinéaste. La chaleur de l'amitié qui unit sans réflexion,...

le 16 févr. 2013

12 j'aime

Classe tous risques
Val_Cancun
7

Cavale sans issue

Le principal intérêt de "Classe tous risques", dans une période riche en films de voyous, polars et autres films noirs, c'est l'originalité de l'approche de Claude Sautet, auteur de son premier...

le 10 mars 2021

11 j'aime

3

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

170 j'aime

32

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

155 j'aime

43

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

151 j'aime

34