Colorful
7.2
Colorful

Long-métrage d'animation de Keiichi Hara (2010)

Jamais un film d’animation n’est allé puiser aussi loin dans les tréfonds de l’adolescence, abordant des thèmes aussi graves que la mort, la prostitution, la brutalité envers les plus faibles, le droit à la différence, cet ensemble d’écueils, qui pour certain est une véritable barrière à la vie qui s’offre. Sous l’apparente simplicité de son histoire, « Colorful » apporte réflexions profondes et stigmatise quelque peu l’inertie du monde des adultes, incapable de se souvenir de leurs propres peurs et émotions et trop occupé à affronter un monde souvent difficile, voire impitoyable. Cette fable fantastique, remarquablement écrite, tient sa force dans son propos qui n’est jamais racoleur, bien au contraire mais également par le vécu de cet esprit qui investit le corps de Makoto, jeune garçon qui s’est suicidé. C’est cette distanciation entre le spirituel et le charnel qui apporte au film une originalité dans le traitement, mais également dans l’émotion. Placé en témoin privilégié, le spectateur découvre par étape, en même temps que l’esprit, ce qui faisait la vie, de Makoto avant qu’il n’attente à ses jours. La famille (dont le relationnel est subtilement abordé), le lycée (prémices d’un monde adulte effrayant), l’art (comme moyen d’expression, ou exutoire). L’approche psychologique de chaque personnage, auquel est apporté un soin tout particulier, révèle un mécanisme de vie, dans les rapports humains mais également dans sa manière de l’appréhender. « Colorful » est extraordinaire, il dépasse le seul cadre de l’animation. Ce n’est pas seulement une culture qui nous est soumise dans sa complexité mais belle et bien une approche de la vie réaliste, devenant de fait universelle par sa force sensitive et l’espoir qui y réside. L’émotion, telle une symphonie de Mahler, est présente dès les premières scènes et ne cesse, à l’image d’une vague puissante, d’enfler, et l’on se laisse emporter par cette pression qui nous étreint. Il n’est pas étonnant que la toile sur laquelle travaillait Makoto nous montre un corps à la silhouette floue plongé dans un océan trouble, sombre et inquiétant. Ce corps si fragile sombre t-il ? Ou est-il appeler à remonter en surface ? C’est tout le propos de ce grand film, digne héritier d’un cinéma japonais ou brillent encore les feux de Ozu ou Mizoguchi.

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le 4 mars 2015

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Fritz Langueur

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