Comme des bêtes
5.8
Comme des bêtes

Long-métrage d'animation de Chris Renaud (2016)

Avant tout, les conditions de visionnage doivent être précisées: nous avons vu COMME DES BÊTES dans une salle pleine à craquer d’enfants de 5 à 10 ans, qui ont du absolument adorer le film à en juger par la discontinuité de leurs éclats de rire, et leur propension à répéter 3 ou 4 fois certaines punchlines.
Donc bien que nous ne l’ayons pas apprécié, force est de constater que l’objectif premier du long métrage de Chris Renaud (Moi Moche et Méchant, Les Minions), divertir son public-cible, nous a semblé parfaitement atteint.


Après nous avoir présenté les bases de son univers ou plutôt high concept – ce qui se passe chez les animaux lorsque les humains ne sont pas là – COMME DES BÊTES nous raconte l’histoire de Max, un Jack Russell terrier dont la relation avec sa propriétaire Katie est solide et bien installée. Malheureusement pour lui, un second personnage (Duke, un Briard errant) viendra chambouler son quotidien, et prendre sa place d'animal préféré auprès de sa maîtresse. De provocations en actes mesquins, les deux chiens essaieront de se débarrasser l’un de l’autre mais finiront surtout par s’éloigner inconsciemment de leur foyer. Le film suit alors d’un coté leurs « aventures » au gré de rencontres avec d’autres animaux de l’extérieur, et de l’autre la quête que mène Gidget et d’autres pets du même immeuble pour les retrouver. Un scénario assez prétexte reprenant grossièrement celui de Toy Story, mais auquel il manquera les composantes d’émotion, de nostalgie et de storytelling capables de cimenter ensemble les nombreuses spécificités d’un univers et de personnages somme-toute assez originaux, bien qu’ils s’inscrivent intégralement dans notre réalité.


PHOTO : Andy, Woody & Bu… pardon Max, Duke, et Katie


Bien qu’ayant une fantastique matière à exploiter (la versatilité d’un décor comme New York, les spécificités de chaque race animale, la construction d’une société parallèle cohérente), COMME DES BÊTES choisit de ne conserver QUE ce qui peut provoquer de l’humour et de l’absurdité. Les contrastes entre l’apparence et le comportement chez chaque animal, l’utilisation par les animaux d’objets de notre quotidien, la déformation de la réalité animale ou humaine par le prisme du high-concept, l’anthropomorphisme jouant sur tous ces tableaux, les interactions détonantes entre des personnages si singuliers. Puis les dialogues, les doublages associés, les gags burlesques, et ainsi de suite.


Hors justement, il est impossible d’exploiter indéfiniment cette composante humoristique à partir d’un nombre trop restreint de personnages… Par conséquent, on assiste à une démultiplication des animaux, ce qui semble avoir été la seule solution possible pour conserver le rythme élevé - bien que la justification de leur présence soit consciencieusement esquivée. L'historique des personnages, leur appartenance logique à l’univers du film, leur fonction scénaristique, des dialogues intelligemment fonctionnels ou l’émotion qu’ils apporteraient à l’histoire ne sont pas ce qui les définissent, contrairement à leur aptitude à renouveler les situations, les interactions ou l’humour. Une sensation d’artificialité explose donc à travers cette « richesse », et finit par étouffer le film dans un non-sens assez dommageable. À ce titre, si quelqu’un peut expliquer l’intérêt et le sens de la scène de l’usine à saucisses…


Visionner le film en version originale avec le casting vocal composé des géniaux Louis C.K. (Louie), Eric Stonestreet (Modern Family), Kevin Hart (Get Hard), Lake Bell (Man Up) ou encore Ellie Kemper (Kimmy Schmidt), nous aurait peut-être permis de trouver ce léger supplément de caractère manquant (surtout) à Philippe Lacheau ou Willy Rovellila pour donner un semblant de consistance aux personnages.


PHOTO : trop de monde tue le monde


D’un autre coté, il y a un vrai problème de fond. Même en bons spectateurs français que nous sommes - si hermétiques aux valeurs et morales américaines... Il faut reconnaître qu’en n’arrivant à générer aucune évolution comportementale entre le début et la fin du film, COMME DES BÊTES manque terriblement à justifier la malveillance et l’égoïsme/égocentrisme de ses personnages. Si se comporter en véritable douchebag dans une mégalopole telle que New York doit certainement correspondre à une certaine réalité, passés leur carapace de cynisme et l’humour que leur prête l’écriture, les protagonistes n’en ressortent que plus antipathiques les uns que les autres. Il y a donc malgré tout un message: fais preuve d’hystérie et/ou sois un connard arrogant, cela obligera ton interlocuteur à aller dans ton sens … … … MOUAIS. D’autant plus dérangeant qu’il s’agit d’une morale insidieuse.



« Le rythme est indéniable, l’ensemble est catchy et fun, mais il subsiste dans Comme des bêtes cet aspect extrêmement superficiel… Jusqu’au malaise »



À la façon des scénettes de Scrat dans L’age de glace, hilarantes mais complètement déconnectées de la trame narrative, COMME DES BÊTES semble avoir assemblé ses scènes selon les résultats de l’applaudimètre de son public cible, conservant ainsi une majorité d'instants cartoonesques à défaut de suivre un basique cahier des charges de cohérence. Ainsi, le rythme est indéniable, l’ensemble est « catchy » et « fun », mais subsiste malgré tout une certaine superficialité, qu’il s’agisse des personnages, de l’émotion, de l’histoire, ou du message... Tout cela menant au malaise.


Dans le même style, on conseillera plutôt Zootopie, sans doute plus sérieux et moins accessible aux plus jeunes, mais Ô combien plus pertinent et riche en pistes de lectures.


Par Georgeslechameau, pour Le Blog du Cinéma

LeBlogDuCinéma
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le 28 juil. 2016

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