Démarrée sur L'arme fatale, la collaboration entre Mel Gibson et Richard Donner a permis à ces deux-là d'atteindre des sommets. Le réalisateur des Goonies devient l'un des plus rentables de l'industrie hollywoodienne. L'acteur australien révélé au monde par Mad Max crée alors sa propre maison de production (Icon Production en 1989) et pourra réaliser des films extraordinairement ambitieux, comme Braveheart ou La passion du Christ. Lorsque Complots sort (en 1997), Mel Gibson enchaîne les films policiers (dont un précédent tourné par Donner, Assassins*). Il y partage la tête d'affiche avec Julia Roberts, autre immense star de l'époque.


C'est l'époque où Gibson n'était encore que vaguement suspect d'idéaux politiquement incorrects ; dans peu de temps il allait justement se transformer en démon 'complotiste', c'est-à-dire en type avec des valeurs de droite ''populiste'' et des focus réactionnaires – et aussi, quelques saillies antisémites. Ce personnage n'est pas celui du film, toutefois Jerry Fletcher est un paranoïaque profond, du moins ses comportements sont censés en attester. Chauffeur de taxi, il passe ses journées à raconter des théories complotistes à ses clients et tous les objets de son appartement sont protégés par un cadenas et un code secret.


Dès le départ c'est plutôt la gaudriole, l'ouverture étant une succession de saynètes où il étale ses théories fantaisistes voir intenables. Comme convenu une de ses théories s'avère juste et il peut alors entrer, pour la énième fois, en contact avec Alice Sutton, assistante du procureur à New York dont il est amoureux. Bien qu'elle le considère comme un illuminé et une perte de temps, Alice ne le repousse pas complètement. Bientôt la mécanique se lance et tous les deux vont être exposés aux déchaînements de puissances pas si occultes, puisqu'il s'agit de la CIA.


Et c'est la grande débandade. Si le début est assez conventionnel et décemment grossier, la suite sera un aller-simple vers le n'importe quoi, avec une route carrément sinueuse. Complots n'est pas crédible et les attitudes de ses protagonistes oscillent entre l'aberration, la grandiloquence ringarde et la bouffonnerie involontaire (l'employé de l'hôpital, étonné de rien). Le personnage de Julia Roberts lui-même est inconsistant et si de quelconques sentiments pour Jerry devaient justifier ses attitudes, alors il est regrettable que rien dans le film ne sache l'indiquer. Complots est étranger à toute subtilité et il lui faut proclamer, même les pires trivialités, pour leur assurer d'exister.


Ce film ne sait pas du tout jouer sur les faux-semblants, ni en créer d'ailleurs bien qu'il le prétende. Toutes les séquences avec Patrick Stewart à visage découvert sont absurdes. L'attribution tardive d'une amnésie à Jerry est d'un opportunisme frisant le foutage de gueule (ses tentatives de remémoration d'un ridicule achevé). La révélation du projet MK-ultra est presque vide et fait seulement écho à un thème suggéré chez Rambo : il n'est jamais question des motivations, très évasivement des techniques employées. Toujours plus débile, la parade se termine sur une apothéose consternante.


Au moins le film fait-il sentir ses moyens et les dilapide généreusement à l'écran : ce n'est pas gage de bon goût mais de quelques plans bien sentis. Et surtout, il y a ce moment halluciné : la scène de capture, débouchant sur un délire gilliamesque (L'armée des 12 singes). Comme dans L'arme fatale, ce passage est assez sordide ; c'est au maximum du présentable dans un 'blockbuster' brassant aussi large. Le reste des outrances ne sera pas à la hauteur, tenant du n'importe quoi convulsif, à la frontière du cynisme de scénaristes et techniciens j'men foutistes, ultra friqués et sous substance. Les déclinaisons de Can't take my eyes off you s'ajoutent pour presser le spectateur dans une espèce de transe d'amorphes exaltés.


https://zogarok.wordpress.com/2016/05/13/complots/

Créée

le 14 sept. 2015

Critique lue 1K fois

5 j'aime

Zogarok

Écrit par

Critique lue 1K fois

5

D'autres avis sur Complots

Complots
Beezell
6

Si tu ne sais pas quoi faire de tes bouteilles de bière… Maintenant tu sais !

♫ Musique ♫ Jerry, chauffeur de taxi un peu barré, sillonne les rues de New York. Parce que, ouais dans les films c’est soit New York soit Washington, avec petit détour par Las Vegas et Los Angeles...

le 6 janv. 2016

10 j'aime

2

Complots
Ugly
4

Mel, ce parano !

Ce thriller faussement psychologique avec quelques rebondissements n'est pas vraiment convaincant, malgré un argument séduisant. La faute à Richard Donner dont la mise en scène semble assoupie, un...

Par

le 17 mars 2018

9 j'aime

14

Complots
-Marc-
7

"Tu vas me prendre pour un dingue"

Ce film est à considérer comme une comédie plutôt que comme un thriller. En effet, Richard Donner parodie avec bonheur les théories du complot qu'aiment tant les américains. Démêler le vrai du faux...

le 22 avr. 2013

8 j'aime

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2