Le travail de James Wan consiste à se répéter ou au moins être classiciste, livrer des produits généreux et laissant peu de traces, mais dans l'excellence. Conjuring 2 vient confirmer cette ambition et diversifier à la marge. Après le spin-off Annabelle, le couple Warren (par Patrick Wilson et Vera Farmiga) reprend du service pour le cas du poltergeist d'Einfeld, un classique des fanas du paranormal survenu à la fin des 1970s. Conformément à la réalité le cœur de cette suite se trouve dans un logement social de Londres, décors moins stéréotypé pour l'épouvante que la maison d'Amityville.


Après un premier opus plutôt feutré, Conjuring 2 frappe fort et se rapproche d'Insidious dans sa relative débauche. La mobilité des plans est remarquable, les 'ombres et lumières' sont choyées, les détails d'ambiance (comme la pluie artificielle) très investis. La supériorité de Wan sur plan visuel, son style 'smooth' et cash sont ré-affirmés, ainsi que sa tendance à se banaliser joliment. Wan tire vers le haut l'épouvante 'triviale' et figée de l'époque (qui en retour essaie de l'imiter depuis quelques années – sans renoncer à la désespérante référence Paranormal Activity, elle aussi produit Blumhouse), mais se vautre dedans aussi (effets spéciaux vulgaires). Peut-être jouit-il de sa domination facile sur la boue sectorielle – d'où l'aventure Fast & Furious 7 (2015), avant de décliner l'offre pour le 8e opus. Ses premiers longs, Dead Silence et Saw, montraient sa capacité à aller au-dessus de cet étage ; en attendant il donne dans le virtuose 'cool'. Pour recycler et 'percuter' il s'en tient simplement à un matériel plus prudent et établi. Conjuring 2 tient un univers, exploité de manière 'superficielle' mais intensive, avec du goût (même mauvais) pour les lieux d'angoisse et l'installation de situations cauchemardesques.


L'esthétique est bouffée par ce besoin de montrer et accumuler, toujours pour précipiter un nouveau climax horrifique. Il sera saisissant (en général) et il faudra ré-éditer ; à ce jeu Wan est bon. L'envers c'est le sacrifice des 'montées' et du substrat (ou au moins des parenthèses) intimiste ou naturaliste nécessaires aux films 'à sensation' (même les plus fantaisistes ou hystériques) pour émouvoir le spectateur au-delà de l'instant. En-dehors des situations inter-individuelles (avec confessions ou élans du cœur), la durée dans les scènes est méprisée, sauf pour les précautions minimes et redondantes préparant un sursaut horrifique. Ce presque-vide est mis en relief par la dramatisation des pérégrinations du couple ; les auteurs se préoccupent manifestement du sort privé des chasseurs de fantômes. C'est viser à côté de l'essentiel pour récupérer l'écume de la romance compassée de service. Jouer sur le doute à ce point était également peu adéquat ; on sait que cette affaire est présumée vraie dans le film et hors du film, donc cette insistance ne peut avoir que des vertus documentaires ; or cette perspective prise pour épater la galerie (générique de fin) et cultiver l'ambiance, alors que le souci de l'information et plus encore de l'investigation sont apparemment hors-de-propos. À l'arrivée Conjuring 2 peut être salué pour son efficacité, car tant que le spectateur se laisse faire, la 'tension' est maintenue et comblée (en évitant gavage et complexité). Anecdote cinéphile à relever : l'engin avec lequel les gamines jouent pour leur invocation est un zootrope ('amélioré'), appareil du pré-cinéma (avant la praxinoscope de Reynaud et le kinétoscope d'Edison).


https://zogarok.wordpress.com/2016/10/18/conjuring-2-le-cas-enfield/

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le 18 oct. 2016

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