Difficile de parler de son film préféré, surtout lorsqu'il vous touche aussi intimement que celui-ci l'a fait pour moi.

Il faudrait sans parler de la forme, de ce rouge omniprésent, signe de violence contenue et peut-être aussi de maternité ; de cette photo de Sven Nykvist, peut-être la plus belle de ce si grand artiste, capable de vous rendre toute la sensualité de Liv Ullman et la beauté d'une peinture flamande.

Il faudrait aussi sans doute parler de cette construction, si intelligente, cette exploration des souvenirs et cette confrontation à la réalité.

Il faudrait également parler de ces quatre immenses actrices, toutes si belles et si bien dirigées.

Mais si ce film me touche autant, c'est qu'il a trouvé un moyen au-delà des mots pour m'atteindre. Michel Duran disait à son propos, paraît-il, "Il est impossible de le raconter, ce qui prouve bien que c'est du cinéma total". Et si pour moi il touche là la vérité du film, c'est qu'au delà de la douleur, de la souffrance, de la peur de la mort, du silence de Dieu, il parle également de cette impossibilité que nous avons à communiquer, l'insuffisance des mots. D'où, lors de cette réconciliation momentanée entre deux des soeurs, une coupure de leur conversation qui apparaît ainsi dans sa vanité et sa signification.
C'est aussi partiellement de là que vient la beauté de la scène où le prêtre, trouvant les mots de la religion impuissant, la trahit pour un instant et se demande "pourquoi ?".

On peut sans doute reprocher à Cris et chuchotements un certain misérabilisme, voire un nihilisme un peu poseur. De mon point de vue, cependant, il n'en est rien, et la douleur qu'exprime de Bergman m'apparaît évidente et réelle. Elle est de plus tempérée par cette fin douce amère, emplie d'une telle tristesse et en même temps d'un espoir de bonheur qui n'a pas disparu chez celle qui devrait en avoir le moins.
corumjhaelen
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le 24 mars 2013

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