Electroma est un long métrage dramatique et expérimental qui touche un peu à la sci-fi et un peu au road-movie. Sorti en France le 24 Mars 2007, il est né de l’imaginaire de deux personnalités de la scène électronique française, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, soit le groupe Daft Punk.


On est lancé à travers le désert californien à bord d’une Ferrari 412 dès les premières minutes. Le paysage et la musique sont magnifiques. La narration trouve son rythme. On fait la connaissance des deux héros, Casque d’Or et Casque d’Argent, deux robots. Ils ne s’appellent pas vraiment comme ça mais c’est plus sympa, avouons-le. Ces deux robots, voyez-vous, ont un rêve : celui de devenir humain. Les suivre dans leur quête d’humanité va constituer le cœur du film, d’où son coté un peu road-movie. Ils ont rendez-vous dans un laboratoire qui réalise des opérations visant à transformer les robots en humains, justement, qui se tient au milieu d’une petite ville. Ville qui est ici peuplée de robots. On comprend alors que les Daft Punk ont voulu nous présenter un décalque (et une critique) de notre société mettant en scène des êtres très proches de nous dans leur comportement et ayant tous la même forme. C’est à peu de choses près comparable à ce que l’on voit dans Monstres & Cie (critique du monde de l’entreprise à travers des monstres au lieu d’humains).
La scène du laboratoire est géniale en tout point, sur le fond aussi bien que sur la forme. La réalisation nous balance un clair-obscur de toute beauté, les plans sont foutrement bien choisis, y a de la géométrie, des reflets, des détails… rien à signaler de mauvais visuellement, bien au contraire. Le laboratoire est en cela presque parfait, comme s’il n’existait pas. Cela symbolise d’une part l’accession au rêve ultime des deux héros, devenir humain, et d’autre part l’illusion. En effet, à visage humain, ils ne récoltent que des regards critiques, des regards désapprobateurs, car les robots ne les acceptent pas sous leur forme différente. Non seulement ils sont jugés, rejetés, mais ils sont aussi frappés de malchance avec le soleil qui endommage leurs prothèses. Ils s’aperçoivent alors que leurs efforts n’ont servis à rien. Défigurés, ils sont chassés de la ville.
Plus tard, ils trouvent refuge dans un bâtiment et se débarrassent de leurs prothèses. Retour à la case départ, donc. La scène est emprunte d’un dramatisme sublime, rythmée à coup de mélodie bouleversante et de grésillements d’ampoule. Ils reprennent ensuite leur chemin à travers le désert, comme au début.


D’un point de vue purement stylique, il se place bien au-dessus de la plupart des productions du même acabit sorties la même année, comme par exemple Container de Lukas Moodysson, pour ne citer qu’elle. Sa lenteur et sa plastique éthérée en font un véritable objet contemplatif très agréable à l’œil mais à l’oreille aussi, parce qu’il est subliment sonorisé. La bande-originale, qui emprunte à toutes les époques et à tous les styles, accompagne assidument la narration et donne de la voix aux personnages. Elle seule suffit parfois à faire comprendre le propos. La performance est tout bonnement incroyable quand on sait que les personnages restent parfois 5 pleines minutes à se regarder sans rien dire. Et même s’il a beau se révéler super froid, laconique et stérile en ce sens, c’est un long métrage bavard, qui a des tonnes de choses à dire, et qui le fait sans décrocher un mot. C’est tout à fait fascinant.
Contrairement à ce que certaines personnes peuvent dire sur Internet, Electroma est loin d’être une gigantesque campagne de pub à l’effigie des Daft Punk. Il s’adresse autant aux fans de Daft Punk qu’à un public plus large. C’est une expérience métaphysique qui soulève de vraies questions, à défaut de trouver des réponses. Des questions aussi bien relatives à la fondamentalité de notre univers que des questions d’ordre plus général : qu’est-ce qu’un être humain ? Quelle est sa place dans la société ? Est-ce un être idéal ? Un être auquel on peut rêver de ressembler ? Ou encore, est-ce que tout ce qui est porté à notre regard est nécessairement réel ?
Tout le monde peut y trouver son compte, quelque chose d’intéressant à découvrir, à analyser pourquoi pas, et son message est assez fort pour émouvoir et attendrir.


Découvrez-le si vous ne le connaissez pas. Il mérite largement 1h14 de votre temps.


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le 27 avr. 2015

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AnarchikHead

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