Fresque de l'ennui pascalien dans la classe moyenne, Dans la maison ne se targue aucunement : Ozon manipule subtilement ses acteurs et découpe ses scènes avec précision afin que le ressenti ne soit jamais meilleur que médiocre (les textes du jeune Claude, les oeuvres évoquées, les relations entretenues). Tout ne paraît finalement être que l'image du feuilleton pour ménagères ou du roman pour femmes justement critiqué par le grand-père de Sartre, c'est-à-dire un travail sur la péripétie, mais qui, comme le souligne Germain, soit prévisible pour le spectateur. Si les thématiques laissent envisager une suite ("à suivre...") détonante (vengeance, suicide, succès), la réinvention des auteurs de cette histoire n'est que suggérée, et la dépression subie par chacun des personnages est si clairement visible qu'on sait deviner leur enterrement progressif, ainsi que la damnation d'un cercle vicieux sur le point de reboucler (fin de l'histoire = recommencement). Pittoresque et judicieux, le film d'Ozon sait à la fois se faire diatribe sociale, artistique et littéraire (amertume envers l’exiguïté de la classe moyenne, de l'art contemporain ainsi que des auteurs sans talent), représentation cause/conséquence de la constance de l'ennui moderne et des mesures palliatives qu'on essaie de lui appliquer. Si Schopenhauer fait une distinction, à son époque, entre survie du pauvre et ennui du riche, la classe moyenne, elle, restructure ce code, en essayant de survivre à l'ennui.