Scie musicale + clown = poésie? Pas sûr

         Onirique au début. Un peu lourd du chapeau, du début à la fin. Film entre deux eaux. Le décor est sombre et lunaire. On a l’impression d’être dans un pays en guerre, en pleine pénurie, dans un conte fantastique, mais dénué de tout contexte. On est dans un hôtel bien particulier, avec un boucher « méchant », qui a la « gueule » de Jean-Claude Dreyfuss, et plein de gens autour, qui n’ont rien de mieux à faire que regarder la télé. Pourquoi pas. Puis certains descendent chez le boucher pour acheter un peu viande. D’où elle vient cette viande ? Devine... Ça devient intéressant. On lorgne du côté de Cannibal Holocaust à la française. Sauf qu’on ne doit pas oublier qu’on est chez Jeunet et Caro. On devrait les appeler : Aspartame et Édulcorant, Jeunet/Caro, mais ne soyons pas méchants. Le film d’horreur où le Survival, ce ne sont pas la sauce de J/C. Pourtant tous les éléments étaient là. Donc si on transforme l’écran en balançoire, et l’hôtel en parc d’attraction, la suite donne ceci : Un clown qui cherche du travail, (Dominique Pinon), passe à l’hôtel par hasard. Ça tombe bien, le boucher cherchait un homme à tout faire.  Embauché ! Il fait des tours de magie, joue de la scie musicale, la fille du boucher est séduite, et je ne me souviens plus du pour qui, ou pourquoi il est  là, le clown.


    C’est la beauté du travail artisanal. Les gags qui se succèdent, des seconds rôles potiches qui apparaissent comme ils disparaissent, pour ne laisser que la place au jeu, parcours fléché visuel. Il y a une petite bourgeoise à lunettes, qui fait très prof de français serrée du cul. Elle fait une tentative de suicide. Raté. Encore. Raté. Encore. Encore raté. Décidément, elle est bien maladroite cette dame. Au bon d’un moment, on a compris. C’est un numéro de cirque. Et après ? Dans toute cette ménagerie, je retiens Karin Viard en garce magnifique. Elle fait bien la garce, un peu mégère, j’avoue, je suis sous le charme. Ticky Holgado, fait du Ticky Holgado. Chacun est là pour ça: Montrer sa « gueule », dire deux répliques. Effet Crunch le chocolat qui croustille, et puis c’est tout. Le boucher lui, tout imposant qu’il est, me fait plus rire que peur, et l’hôtel n’avance pas. Vu la réputation du film, je m’attendais à quelque chose de plus corsé, quand même, un peu de fond. Plus d’humour noir, plus iconoclaste. Plus...Ici, tout est fait pour plaire aux amateurs. On a quelques sensations aigres-douces, de la vinaigrette. Les acteurs là jouent léger, et on est au spectacle de marionnettes. Un rêve qui menaçait de se terminer cauchemar, mais qui ne s’avère être qu’une mauvaise blague, dans un décor apocalypte. Heureusement, on a le décor, avec un minimum de glauque. Tous les tuyaux, boyaux en plastoc, qui servent de moyen de communication, à l’image d'un gag enfantin universel comme celui-çi :         


         Pour créer un téléphone. Prenez deux pots de yaourt vides. Reliez les deux pots par un bout de fil. Parlez dans un des combiné pot de yaourt. Celui qui est de l’autre côté vous entend dans son pot de yaourt vide, s'il le colle contre son oreille. Un côté très organique, une parenté avec le Brazil de Gilliams, mais ce n’est pas utilisé à fond. Dommage.


    Et le pire est à venir, avec cette bande de « terroristes » qui sortent des égouts. D'oú y sortent ceux là? On vire au ridicule pas drôle, et je suis sorti petit à petit du film. Ils enlèvent par mégarde la mégère (Viard), alors qu’ils voulaient enlever (Pinon), le clown. Mais elle ne craint rien, elle est bien plus dangereuse a elle seule, que tous les mâles du film, réunis. Fin.


  Le charme prend le pas sur le sujet, et sur moi il n’opère pas. C’est ça le problème du charme, il n’opère pas toujours. Pour éviter les risques inutiles, et les fautes de goût, il est fortement conseillé de traiter réellement le sujet qu’on a mis sur la table, comme un bon morceau de viande…froide. Jeunet/Caro semblent abandonner le film à sa propre  vie, et la dernière partie ne ressemble pas à grand-chose, c’est décousu, décalé. Si l’humour doit être pas drôle, à mon avis il faut être soit plus subtil que ça, ou plus encore, frapoer plus lourd, plus fort. Aller carrément dans les extrêmes pour que ça  fasse vraiment rire. Un peu comme la boîte à meuh (!), dans laquelle on a enfermée la femme à découper le beurre, qui rie dans barbe, en dégustant un yaourt à boire.

Angie_Eklespri
4
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le 4 mai 2016

Critique lue 312 fois

Angie_Eklespri

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