Kubrik comique, avec le recul on a du mal à y croire. Mais son oeuvre étant dissidente, pourquoi pas, puisqu'elle était parfaitement située historiquement pour critiquer les hommes au pouvoir. Cependant, on ne pourra pas vraiment qualifier cette oeuvre de franche comédie, ni de franc drame, simplement un mélange des deux, et un essai habillé d'humour afin que le maître puisse faire partager ses idées à un vaste auditoire.
Ses idées sont que les Hommes sont fous, irresponsables, et nommés à des postes dirigeants qui leurs permettent de jouer avec la vie des soldats, et évidemment des populations. Bien à l'abris dans leurs bunkers, ils jouent à la guerre, et Russes comme Américains sont dépeints comme étant emmêlés dans tant de procédures complexes afin que leurs ordres soient exécutés et non détournés par leurs ennemis, qu'ils ne leur octroient aucunes possibilités de retour en arrière s'ils le désiraient. Ils se retrouvent donc (les dirigeants des deux grandes puissances) à se débrouiller pour tenter de dégommer les avions américains partis atomiser la Russie.
Ce qui est le plus flagrant, c'est accent important qui a été mis sur l'aspect infantile de ces personnes, inconscientes, et jouant avec le monde comme s'ils jouaient aux petits soldats, tout en se chamaillant comme le feraient des écoliers. Cependant ce qui pose problème dans cette oeuvre, c'est surtout sa difficulté à trouver un juste milieu entre sérieux et comédie, imposant certains moments d'humour noire efficaces, et d'autres bien plus proche de la pochade pas très fine. Le Docteur Folamour (Peter Sellers) qui ne peut contrôler son levé de bras façon salut Hitlérien ou ses exclamations de « Mein Führer » voulaient dénoncer l'amnistie des scientifiques (et médecins) Allemands par les Américains, à condition qu'ils puissent les aider à fabriquer des armes plus puissantes; on comprend le message, mais la blague est lourde.

Bref, Le Docteur Folamour est une oeuvre à voir, intelligente mais pas aussi efficace qu'un film comme Le Dictateur. Qu'il y ait Peter Sellers est un bon point, et il s'octroie d'ailleurs trois rôles, mais ça ne signifie par pour autant que Blake Edwards est derrière. Il n'en reste pas moins certaines répliques qui font mouche et autres moments mémorables, dont le « vous ne pouvez pas vous battre ici vous êtes dans le QG de la guerre », ou encore Slim Pickens chevauchant une ogive nucléaire comme un cow-boy Texan (Michael Bay y fera référence dans Armageddon où Steve Buscemi mimera la scène).
Pour conclure, ceux qui affectionnent les oeuvres dissidentes condamnant une politique absurde sur le ton humoristique tiendront là une oeuvre suffisamment bien ficelée pour rester dans leurs mémoires. D'autres lui préféreront Point Limite de Sidney Lumet, tout aussi grave, mais appréhendé de façon bien plus sérieuse.
Mention spéciale pour Peter Sellers, parfait dans ses divers rôles, et qui apporte au travers de ses interprétations un atout qui porte l'oeuvre bien plus haut qu'elle ne l'aurait été sans.
SlashersHouse
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le 15 juil. 2011

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