Judge Dredd version Stallone fait partie des films cultes des nanardophiles qui le rangent aux côtés de Mortal Kombat et autres Street Fighter. Personnellement, je vois plus dans ce film un massacre en règle d’une œuvre subversive dont le potentiel cinématographique est infiniment plus grand que celui de la plupart des franchises vidéoludiques. Non ! Il n’y avait définitivement rien de drôle dans l’étron filmique pondu par Danny Cannon à l’exception du « I am The Law » speech de Sly et d’une ou deux punchlines.
Au naufrage artistique s’est ajouté un cuisant échec au box-office qui a enterré la franchise pendant plus de dix ans. Il y avait donc de quoi être surpris à l’annonce de ce nouvel opus et de la profession de foi de ses producteurs qui affirmaient vouloir revenir à l’esprit hardcore du matériau original, une démarche à contre-courant quand on voit ce que sont devenues les adaptations de comics aujourd’hui…
Ecrit par Alex Garland, collaborateur régulier de Danny Boyle (good karma !) et réalisé par Pete Travis (Vantage Point….bad karma !), Dredd disposait d’un budget de 45 millions de dollars ce qui est assez dérisoire pour un film futuriste.
Logiquement, cela se ressent au niveau d’une direction artistique qui affiche clairement ses limites même si on louera les efforts produits pour ancrer le récit dans une sorte de futur immédiat façon District 9 ( qui a aussi été tourné à Johannesburg) qui n’est pas déplaisant.
En outre, si Pete Travis n’a pas de pognon, il a des idées, notamment sur le plan formel.
Doté d’une photographie de très belle facture, le film bâtit également une identité visuelle bien à lui en utilisant son principal argument scénaristique : le Slo Mo, une drogue qui altère les sens et ralenti le temps. Il en résulte des séquences en slow motion d’une beauté hypnotisante qui sont intelligemment distillées dans le récit. Ces passages justifieraient presque à eux seuls la vision du film et font oublier des scènes d’actions gores mais qui consistent majoritairement en des gunfights filmés sans génie.
La mise en scène est donc indiscutablement le point fort de cette adaptation et rend justice à la BD crée par John Wagner malgré le manque de moyens. On en dira pas autant du script de Garland qui privilégie l’action à la charge politique. Le film se résume en effet souvent à un shoot’em up bourrin, décomplexé et efficace mais totalement creux.
Cela se ressent dans le traitement des personnages : si Dredd, qui trouve ici un solide interprète (Karl Urban tout en mâchoire serrée), n’a pas nécessairement vocation à autre chose qu’une icône, on regrettera que le personnage de la maquerelle campée par l’excellente Lena Headey (qui après Game of Thrones semble avoir pris goût aux rôles de méchantes) ne soit pas plus fouillé. Seule la bleusaille de service interprétée par la mimi Olivia Thirlby apporte un peu de substance. On regrettera aussi que le contexte sociétal inhérent à l’œuvre soit évacué en deux lignes de dialogue lors de l’exposition.
Au final, Dredd fait figure de surprise et ce, principalement grâce à sa facture technique. Les limites de son scénario l’empêchent cependant de dépasser le statut de bonne série B et personnellement je continuerai à me demander ce que ce doux dingue de Paul Verhoeven aurait fait avec un sujet pareil…
Ce nouvel essai lave néanmoins sans problème l’affront du premier film même si les chances de voir une suite sont hypothéquées.
Pas assez politiquement incorrect et subversif pour devenir culte et beaucoup trop violent pour toucher un public large, Dredd 3D s’est royalement planté au Box-Office et on n’est pas près de revoir la silhouette monolithique du juge sur grand écran. Triste…