Dupont Lajoie par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique remaniée le 6 octobre 2021.

Les vacances au soleil sont sacrées pour Georges Lajoie, patron d'un bar parisien, et sa petite famille. C'est ainsi que chaque année la caravane est fin prête pour le départ au "Camping du Soleil". Georges y a ses habitudes puisqu'il retrouve les couples Colin et Schumacher, autres fidèles des lieux. Entre "français moyens" la vie sur le terrain se déroule calmement avec ses traditionnels gueuletons, apéros, et jeux en tous genres.
Pourtant cette année-là un souci fait couler parmi les campeurs pas mal de propos xénophobes car, non loin du camping, un chantier accueille des travailleurs nord-africains. Lors d'un bal une bousculade éclate entre l'un des campeurs, Albert Schumacher, et deux ouvriers du chantier. Tout finit par se calmer jusqu'au jour où des jeux sont organisés. Georges Lajoie quelque peu "chaud" après un repas bien arrosé décide de partir seul en vadrouille dans les environs.
Au cours de cette promenade, il rencontre par hasard la ravissante Brigitte, la fille de ses amis Colin. Il tente alors de l'embrasser mais la jeune fille repousse ses avances, se débat et Georges la tue.
C'est alors que, désemparé, il va échafauder un énorme mensonge afin de faire porter les soupçons du meurtre sur les travailleurs étrangers. Malgré une enquête de la police les mettant hors de cause les campeurs restent persuadés que le délit ne peut venir que ces personnes.

Afin de montrer leur haine, ils organisent une "ratonnade" à laquelle Georges Lajoie participe très activement. Au cours de celle-ci un ouvrier est tué et un autre blessé. La thèse de l'accident est alors retenue.
Les vacances terminées, Georges Lajoie et sa famille rentrent à Paris et reprennent leur activité de cafetier. Georges aime alors raconter et décrire à ses clients la "ratonnade" dans ses moindres détails en se faisant passer pour le héros des faits.

J'ai eu le bonheur de revoir à plusieurs reprises ce film très fort de Yves Boisset et cette œuvre n'a pas vieilli d'une ride, le propos restant toujours présent dans les conversations actuelles.
D'autre part je garde en moi ce sentiment de révolte et de dégoût envers les soi-disant "bons français patriotes" bourrés de préjugés envers ceux qui sont culturellement différents.
Nous voici donc devant ce que certains ne jugeront que comme un fait divers, et pourtant... quels sont ceux d'entre-eux qui se disent racistes? Personne bien sûr à la seule condition de ne pas avoir à "subir" un voisin, un collègue d'une autre culture. "Je ne suis pas raciste mais ils nous coûtent cher" balancent certains "Dupont Lajoie" qui font le déshonneur de notre Nation.

Cette œuvre nous révèle de manière très convaincante les dégâts qu'occasionnent certains a priori ponctués du lamentable argument "chacun chez soi et tout ira mieux chez nous".
Voila, ici le pire est donc atteint dans cette intrigue qui nous met en scène un bon français se croyant bon patriote et apparemment au-dessus de tous soupçons, capable de violences pour un baiser refusé et plus encore, capable de masquer son forfait en dénonçant ceux qui ne "sont pas d'ici".
Nous assistons alors au spectacle affligeant de la lâcheté humaine. A la suite de tout ce carnage, l'honneur est sauf, l'assassinat de Brigitte est vengé, on a mangé de l'étranger intrus, car un français n'aurait jamais pu commettre un tel acte, c'est dans la culture des autres, pas dans la notre !
Pourtant les soi-disant bons français n'échappent pas au fait que le mal comme le bien est partout.

Il n'est pas évident de traiter ce délicat sujet sans entrer dans la démagogie. Yves Boisset évite ce piège et nous livre un plaidoyer efficace contre les méfaits extrêmes que peut provoquer le racisme. Dans le rôle du personnage principal par qui tous les malheurs arrivent Jean Carmet est sublime. Il est tout à fait convaincant en pauvre type à l'esprit franchouillard n'hésitant pas à brader son honneur personnel afin de sauver sa peau au préjudice de celles des innocents.
Les autres protagonistes de ce drame nous font également une excellente interprétation en entrant à merveille dans le personnage de gens tout à fait ordinaires emprunts soudainement d'un déchaînement collectif. Parmi eux il convient notamment de citer : Pierre Tornade, Victor Lanoux, Jean-Pierre Marielle. A remarquer également la toute jeune Isabelle Huppert, victime innocente.

Je ne peux que vous conseiller de voir ou de revoir cette œuvre qui par son efficacité réveille en nous des sentiments de dégoût, de révolte et d'émotion. Le réalisateur n'a certes pas utilisé la manière douce pour délivrer son message toutefois elle se révèle tout à fait réaliste pour dénoncer haut et fort ce fléau qui rôde dans notre société propagé par quelques "prédicateurs" formatés qui ne font que vouloir imposer le goût amer du racisme et du repli sur soi-même.

Ce film a obtenu :

• L'Ours d'argent spécial du jury au Festival international du film de Berlin 1975


• Le Prix du jury des lecteurs du "Morgenpost" au Festival international du film de Berlin 1975


• Recommandation Interfilm au Festival international de Berlin 1975

Box-Office France: 1 454 541 entrées

Ma note: 9/10