Eden Lake n'est pas en soi un mauvais film. Bien filmé, avec des acteurs convaincants, la forme y est . Le problème vient ici du fond de l'histoire, tirée par les cheveux pour servir un fond profondément malsain, où la cruauté rivalise avec le voyeurisme.

L'histoire, c'est celle d'un couple anglais, sans doute de la classe moyenne supérieure qui décide d'aller passer un séjour romantique en amoureux aux abords d'un lac que le mari fréquentait étant plus jeune avec des amis à lui.

Les voilà donc qui arrivent dans le patelin à côté de l'Eden Lake. Premier souci :ce dit patelin (le plus proche du lac) se trouve être un repère de beaufs grossiers qui s'expriment en se collant des claques entre eux/sur les enfants/sur les animaux. Pour peu on se croirait à un match Manchester/Chelsea avec ses bagarres de hooligans ! ... attendez... on me dit à l'oreillette que ce serait la même catégorie sociale dans les deux cas. Ah.

Mais bon, il en faudrait plus pour décourager notre brave petit couple ! Les voilà qui reprennent la route, et arrivent sur les berges de l'Eden Lake. Tout semble aller pour le mieux jusqu'à ce qu'arrive une bande de petits c... je voulais dire des jeunes (ils sont huit, en plus), mettent leur musique (de barbare, forcément) tourmentent un petit Paki, et pour finir s'installent avec leur clebard.

Accélérons quelque peu : regards méchants, jurons, mari moralisateur, caca de chien, jurons, petit couple stoïque qui ne bougera pas, couple qui dort dans la tente, couple qui se lève, veut aller manger en "ville", pneus crevés. Jurons, petit déjeuné en ville, discussion avec la serveuse. Agressive. Les gamins son considérés comme de petits chenapans. Décision prise : retourner sur la plage après s'être fait remballer. En route , on croise les gamins de la veille. Là (attention, grosse ellipse en approche !), le mari décide de les suivre pour trouver les parents et leur dire que les gamins, ils ne sont pas cools.

Arrivés devant le logis des beaufs, le mari descend, laissant madame en plan. Pour faire court, le mari rentre, fouille chez les gens parce qu'il y a personne et fuit par une fenêtre quand le père de famille (le beauf en chef) rentre. Cette scène vous a parue invraisemblable ? A moi aussi. Son utilité ? Je cherche encore...

Bon le petit couple retourne à la plage, barbote dans l'eau jusqu'à ce qu'on pose la question : où est le sac de bain avec les clés de la voiture/le GSM/les serviettes, la plupart des vêtements ? Non, je ne dis rien, je suppose que vous avez déjà deviné qui l'a pris et pourquoi.

Voilà donc notre gentil couple qui se retrouve un peu con, sans bagnole. La nuit tombée, ils retrouvent les gamins. Gros yeux, niages, gros yeux, niages plus gros mots, claque, bagarre, chien, couteau. Couteau dans chien. con en chef pas content. Petit con en chef donner la chasse.

Pour la suite, je ne vais pas m'étendre sur les détails. Disons simplement que les jeunes s'en prennent dans la gueule, mais que le couple souffre puis crève, chacun dans des conditions bien glauques, après s'être fait torturé comme il se doit. Et vu qu'il en reste, on crame le petit Paki en prime et le petit con en chef bat à mort un de ses potes.

Bon, des films où l'ont tape, tue, voire viole (ce qui n'est pas le cas dans ce film) et torture des innocents qui n'ont rien demandé à personne, ça existe. Je ne citerai que celui qui m'a le plus marqué dans le bon sens du terme, Orange Mécanique. Mais dès lors, pourquoi s'en prendre à Eden Lake ? laissez-moi vous expliquer :

Orange Mécanique est certes violent, très violent et l'anti-héros dont l'on suit les pérégrinations est sans doute l'un des plus grands sadiques de l'histoire du cinéma et de la littérature anglo-saxonne. Mais ce qui le différencie déjà du sadique en chef d'Eden Lake, c'est qu'Alex évolue dans un monde particulier, qui n'est en tout cas pas la nôtre. Le monde d'Alex est celui de la violence, de l'Etat semi-totalitaire, du cynisme et des drogues dures dans les verres de lait. Celui d'Eden Lake est notre monde, et de la manière dont le film est présenté, nous aurions à faire à un écrin d'horreur et de violence dans un monde qui souriait à un couple beau et heureux.

Autre différence : la violence (pourtant très crue) d'Orange Mécanique est non seulement mise en scène, et chorégraphiée, mais sert aussi de tribune à des questions philosophico-morales : où est la frontière entre le Bien et le Mal ? Qu'est-ce que l'Etat a le droit de faire ? Peut-on faire souffrir une ordure quand cette dernière se retrouve sans défense ? Peut-on faire changer un homme du tout au tout ? Dans Eden Lake, on ne s'encombre pas de toutes ces questions : on regarde des gens pénétrer dans l'horreur et se faire massacrer. That's all. De la violence pour de la violence où l'on pourrait commenter "ça, c'est MAL", ou bien "là, c'est MAL aussi mais MÉRITÉ"; et enfin "Beurk, c'est DEGUEU de faire ça !". En effet, j'ai du mal à trouver des questions morales sous-jacentes à ce film. Je ne vois pas en quoi attacher un homme avec du barbelé/le planter cinq ou six fois/le cramer/cramer un petit Paki entravé par un pneu/filmer ces actes barbares avec un GSM/écraser des gens/planter un gamin alors qu'il changeait de camp (et ce même par accident)/taper son "pote" à mort. Et encore, vous, vous ne l'avez peut-être pas vu... moi bien.

L'idée de faire un film sur l'instinct grégaire et l'escalade dans la violence que l'on peut voir dans les groupes n'était pas mauvaise. Mais il ne fallait pas faire un film qui montre (surtout) des gens souffrir...
Pinto
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le 28 févr. 2012

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Pinto

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