Education à la mort
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Education à la mort

Court-métrage d'animation de Clyde Geronimi (1943)

Dans la lignée des courts-métrages (Ex: Der Fuehrer’s Face) de cette époque, les studios Disney produisent un film de propagande. Il est inutile de rappeler le contexte dans lequel se trouve le studio durant cette période et quel en seront les conséquences, ou encore la manière dont il faut apprécier ce genre de production de nos jours. Cependant, cette adaptation du livre "Education for Death - The Making of the Nazi" écrit par l'Américain Gregor Ziemer, est tout à fait singulière. Il faut savoir que Ziemer a vécu en Allemagne de 1928 à 1939 et son récit s’inspire de la réalité de l'Allemagne nazie et plus particulièrement de l'endoctrinement des plus jeunes par la société.


Son plus grand intérêt est sans aucun doute la plastique, il réside dans cette œuvre une véritable créativité artistique. Certes, les studios Disney étaient reconnus pour être des références dans ce domaine. Mais le plus remarquable est la poursuite de l’expérimentation et de l’innovation malgré les difficultés, ceci dans différents métrages (Victoire dans les Airs, Saludos Amigos, etc…). Et, bien entendu, une partie des courts profitent de cette volonté d’aller toujours plus loin.


Education for Death est sans doute l’un des cours de propagande les plus intéressant et aboutit, l’utilisation des couleurs contribuent à offrir un message fort pour un public hétéroclite, une réussite, je dirais même plus une merveille. L’usage des couleurs est tout à fait en accord avec l’ambiance sombre et parodique du récit, surtout au cours des dernières minutes qui en est l'apogée avec ces teintes rouge et orange vives qui rappel d’une certaine façon le final de Full Metal Jacket. Au-delà du travail sur la palette de couleurs, un jeu sur les ombres offre à certaines scènes un impact beaucoup plus important, voir effrayant. Mais cela va beaucoup plus loin, la direction tantôt parodique de certains personnages (il va sans dire Hiltler et sa clique) et tantôt attachante (les enfants et leurs parents) est une dichotomie très judicieuse. En effet, l’aspect parodique de certains passages (Ex: séquence Belle au bois dormant) par le biais de personnages permet d’user d’ironie et d’apaiser l’atmosphère, ce qui permettra par la suite d’accentuer l’aspect tragique quand ces mêmes personnages rencontreront des protagonistes réalistes, naïfs et suscitant une certaine compassion par l’humanité qu’ils dégagent, surtout lorsqu’ils sombreront dans le fanatisme que prônent les personnages de cartoon (atteint psychologiquement). Ce fanatisme s’illustrera par des scènes très fortes où Mein Keinf remplace la Bible, les enfants devenant des adultes portant des ouillères et des muselières, ou encore un autodafé. Bref, que du bonheur… À savoir que le portrait d'Hitler réalisé par Hubert Lanzinger en 1938, Der Bannerträger a servi de source d’inspiration et servir le folklore chevaleresque présentés dans le métrage.


Cela va donc au-delà d’un simple message, l’attention porter à chaque image et aux détails est très lisible. Ce qui rend Education for Death beaucoup plus fascinant, car tout semble choisi méticuleusement et cadré avec précision. Ainsi, on omet assez facilement l’aspect de propagande et on savoure cette œuvre intemporelle avec un plaisir indicible. Après tout des animateurs de renom comme un certain Milt Kahl, Frank Thomas, où encore Ward Kemall mettent à contribution leurs talents et savoir-faire, sous la direction d’un confrère : Clyde Geronimi.


Après avoir fait ses armes comme animateurs Geronimi devient réalisateur, très souvent au côté de Wilfred Jackson (sans doute, le meilleur réalisateur de court-métrage du studio). Le choix de ce réalisateur permet à ce récit qui aurait pu être lourd et surtout mal rythmé, d’être tout à fait digeste. Chaque partie s’enchaîne avec une fluidité déconcertante, en dix minutes tout est bouclé et à vrai dire, c’est tant mieux. Ceci entraine un flux émotionnel très fort, dont s'ajoute une créativité artistique qui n'arrange rien sur ce point.


Pour ce faire, il a été choisi de s’appuyer sur les procédés du documentaire éducatif déjà récurent au studio, en usant notamment d’une voix off (en l’occurrence Art Smith) commentant les situations, de plus les personnages eux parlent allemand (ils vont jusqu’à utiliser la voix originale d’Adolf Hitler), offrant ainsi un certain réalisme, malgré la direction graphique. Le traitement est ainsi assez éloigné de ce que l'on peut attendre d'un cartoon, pire, on joue avec le genre. Cela rend Education for Death encore plus percutant et troublant, quelle que soit l’époque à laquelle on le regarde. Le choix scénaristique assez simple en soit, mais prend tout son sens et contribue à en faire une œuvre tragique et inoubliable.


En somme, ce court rempli tous ces objectifs : il répond à la commande de dénoncer le nazisme, il est à la fois divertissant et fascinant pour le public et aussi une œuvre à l’épreuve du temps par ces qualités artistiques, voir idéologique. En effet, la critique sur l’endoctrinement et la création du soldat «parfait» (en gros, le lavage de cerveau) n’est sans doute pas un cas isolé du IIIe Reich…

ElDiablo
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le 11 juil. 2015

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